Les Européens engagent dès ce mercredi des consultations pour tenter de sauver l'accord sur le nucléaire iranien, que Pékin veut également sauvegarder, malgré le retrait fracassant des États-Unis qui fait craindre une «déflagration» majeure au Moyen-Orient.

Le président français Emmanuel Macron - qui est monté en vain en première ligne pour infléchir la position du président américain Donald Trump - s'entretiendra dans l'après-midi par téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani, a annoncé le chef de la diplomatie française.

«Il va lui faire part de notre volonté de rester dans l'accord, de faire en sorte aussi que l'Iran respecte totalement les termes de l'accord», a déclaré Jean-Yves Le Drian sur la radio RTL.

La Chine a elle aussi appelé à sauvegarder l'accord, qu'elle a également signé. Pékin «appelle toutes les parties à agir de façon responsable» pour «revenir dès que possible» au respect d'un texte qui «contribue à préserver la paix au Moyen-Orient», a martelé Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.

Les ministres des Affaires étrangères des trois pays européens (France, Allemagne, Royaume-Uni) signataires de l'accord de 2015, censé empêcher les Iraniens d'accéder à l'arme nucléaire, rencontreront aussi lundi des représentants de Téhéran pour voir comment le préserver.

«Nous voulons rester dans cet accord, faire en sorte aussi que l'Iran y reste et fasse preuve de retenue», a martelé Jean-Yves Le Drian en mettant en garde contre un risque de «déflagration» et de «confrontations» si l'Iran se retire du compromis de 2015 et entraîne les autres pays de la région dans une course à l'armement atomique.

Donald Trump a annoncé mardi le retrait pur et simple des États-Unis de l'accord et un retour de toutes les sanctions visant les entreprises travaillant avec l'Iran, compliquant d'autant la donne pour les Européens.

Hassan Rohani s'est dit prêt à discuter avec les Européens ainsi que les Russes et les Chinois, autres signataires de l'accord, pour voir comment les intérêts de l'Iran peuvent être préservés après le retrait américain.

Mais il a aussi menacé de reprendre l'enrichissement d'uranium «sans limite» si ces négociations ne devaient pas donner les résultats escomptés dans les «semaines à venir».

Des députés iraniens ont brûlé mercredi matin un drapeau américain en papier et une copie de l'accord sur le nucléaire à la tribune du Parlement, en criant «mort à l'Amérique».

L'accord vise à faciliter les échanges commerciaux avec l'Iran et à relancer sa croissance en échange d'un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires, mais les firmes européennes risquent d'en être dissuadées en raison des sanctions réintroduites par Donald Trump.

Problème des sanctions

En annonçant le retrait des États-Unis, Donald Trump a tenu une promesse de campagne, assurant avoir «la preuve définitive que la promesse iranienne était un mensonge».

Le président a choisi l'option la plus radicale pour les sanctions : toutes les entreprises, y compris étrangères, déjà présentes en Iran, ont trois à six mois pour en «sortir» avant d'être frappées par les mesures punitives leur barrant l'accès aux marchés américains. Et celles qui étaient en négociations pour de nouveaux contrats doivent y renoncer «immédiatement».

Le gouvernement français doit réunir «dans les prochains jours» les entreprises françaises concernées et voir au niveau européen comment faire «pour essayer au maximum de les préserver des mesures américaines», a indiqué M. Le Drian.

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire a de son côté jugé «pas acceptable» que les États-Unis se placent en «gendarme économique de la planète».

Un accord plus large

«Tout pays qui aidera l'Iran dans sa quête d'armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les États-Unis», a mis en garde M. Trump. Son conseiller à la sécurité nationale John Bolton a même laissé planer la menace de «sanctions supplémentaires».

Autrement dit, il sera très risqué pour une entreprise européenne de maintenir ses investissements en Iran, notamment dans le secteur pétrolier.

L'Arabie saoudite, premier exportateur mondial et soutien déclaré de la décision américaine, a annoncé qu'elle allait prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher des pénuries d'approvisionnement en pétrole après le retrait américain.

Dès mardi soir, le président français, la chancelière allemande Angela Merkel et la première ministre britannique Theresa May se sont dits «déterminés à assurer la mise en oeuvre» de l'accord en «maintenant les bénéfices économiques» au profit de la population iranienne.

Malgré le retrait américain, Emmanuel Macron a relancé son initiative visant à travailler «collectivement» à un accord «plus large», portant les engagements nucléaires iraniens au-delà de 2025, le programme balistique de Téhéran et son influence régionale dans la région.

«Cette initiative politique est toujours sur la table et le président Trump ne l'a d'ailleurs pas rejeté» en annonçant sa sortie de l'accord, a souligné Jean-yves Le Drian.

Moscou a aussi fait part de sa «profonde déception» et de son «extrême inquiétude».

Dans la région, la Turquie a dit craindre «de nouveaux conflits» tandis que la Syrie a «condamné avec force» l'annonce du retrait.

En revanche, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, plus ferme soutien de Donald Trump, a soutenu «totalement» cette décision «courageuse», tout comme le royaume sunnite d'Arabie saoudite, grand rival régional de l'Iran chiite.