La contestation antigouvernementale a repris jeudi en Arménie, à l'appel de l'opposant Nikol Pachinian qui exige une «capitulation» du parti au pouvoir, tandis que la Russie, jusqu'ici à l'écart de la crise, commence à s'imposer comme médiateur.

Jeudi, le président du Parlement arménien, Ara Babloïan, a convoqué une réunion extraordinaire pour le 1er mai consacrée à l'élection d'un nouveau premier ministre, après la démission de ce poste de Serge Sarkissian lundi, sous la pression de manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes.

Quelques heures plus tard, le président russe Vladimir Poutine s'est entretenu au téléphone avec le premier ministre arménien par intérim, Karen Karapetian, selon un communiqué du Kremlin.

Lors de cette conversation téléphonique, «il a été souligné que le règlement de la crise en Arménie devait se dérouler uniquement selon les normes du droit, dans le cadre de la Constitution en vigueur et sur la base des résultats des élections législatives légitimes qui ont eu lieu en avril 2017», selon la même source.

Ces législatives avaient été remportées par le Parti républicain de Serge Sarkissian, qui dispose actuellement d'une majorité au Parlement arménien, au grand dam du chef de l'opposition Nikol Pachinian, qui réclame des législatives anticipées.

Mercredi, M. Poutine s'était déjà entretenu au téléphone avec son homologue arménien Armen Sarkissian, les deux hommes ayant appelé à cette occasion «toutes les forces politiques [en Arménie] à faire preuve de retenue et de responsabilité».

Consultations à Moscou

Pour sa part, le vice-premier ministre arménien, Armen Guevorkian, s'est rendu jeudi à Moscou pour des «consultations de travail» et devait retourner dans la soirée à Erevan, la capitale de cette ex-république soviétique du Caucase du Sud, a déclaré à l'AFP un porte-parole du gouvernement arménien.

Le chef de la diplomatie arménienne, Edouard Nalbandian, a lui aussi fait le voyage dans la capitale russe où il a eu jeudi «une courte rencontre» avec son homologue Sergueï Lavrov, selon la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova.

Nikol Pachinian, 42 ans, qui a mobilisé depuis le 13 avril des dizaines de milliers de personnes contre l'ancien président Serge Sarkissian devenu pour quelques jours seulement premier ministre et contre son parti au pouvoir, s'est pour sa part rendu mercredi à l'ambassade de Russie en Arménie pour «discuter de la situation à Erevan et dans le pays», selon un communiqué de la mission diplomatique russe.

«La partie russe a appelé les organisateurs des manifestations et des défilés à un dialogue constructif avec les autorités en place et les autres forces politiques», a précisé l'ambassade.

Jusqu'ici, la Russie, qui absorbe environ un quart des exportations arméniennes et dispose d'une base militaire en Arménie, s'est tenue à l'écart de la crise. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a répété jeudi qu'il s'agissait d'une «affaire intérieure arménienne».

«Capituler devant le peuple»

Un mégaphone à la main, M. Pachinian, un député et opposant qui se présente comme le «candidat du peuple» au poste de Premier ministre, a défilé jeudi dans les rues d'Erevan, à la tête de milliers de ses partisans, parmi lesquels de nombreux étudiants.

Dans la soirée, des milliers de personnes ont à nouveau manifesté sur la place de la République, au coeur d'Erevan et haut lieu de la contestation anti-Sarkissian, en scandant «Unité!» et «Arménie!».

Après la démission de Serge Sarkissian, son Parti républicain au pouvoir doit aussi «capituler devant le peuple», estime M. Pachinian, qui s'est dit «prêt à diriger le pays».

La candidature de M. Pachinian doit être proposée dans les prochains jours pour le poste de chef du gouvernement par le bloc d'opposition Yelk.

Lors de la réunion du Parlement pour désigner le nouveau chef du gouvernement, «tout dépend du nombre de candidats proposés par les partis [...]. Mais il est très probable que nous aurons le temps d'élire le nouveau premier ministre le 1er mai», a précisé à l'AFP le vice-président du Parlement, Édouard Charmazanov.

Au Parlement, un candidat a besoin de 53 voix pour être élu. M. Pachinian ne peut compter actuellement que sur le soutien de 40 députés, selon un responsable du bloc Yelk. Le Parti républicain, au pouvoir, dispose de 58 sièges et a théoriquement toutes les chances de faire élire de nouveau son candidat.

Signe des tensions au sein du pouvoir, les ministres de l'Éducation, de l'Écologie et du Développement régional ont annoncé jeudi qu'ils quittaient le gouvernement, leur parti ayant abandonné la veille la coalition au pouvoir.