Les autorités arméniennes ont célébré l'unité du pays mardi lors des commémorations du génocide arménien, observant un moment de répit dans un climat politique incertain au lendemain de la démission du premier ministre Serge Sarkissian après onze jours de manifestations.

Le président Armen Sarkissian (sans lien de parenté avec Serge Sarkissian), la première ministre par intérim Karen Karapetian et les autorités religieuses du pays se sont rendus au mémorial dédié aux victimes des massacres perpétrés entre 1915 et 1917 sous l'Empire ottoman, situé sur une colline surplombant Erevan.

Nikol Pachinian, le député d'opposition qui a mené pendant onze jours la contestation victorieuse contre Serge Sarkissian, se rendra pour sa part avec ses partisans au mémorial à 15h00 locales (7h00 à Montréal).

Venus avec seaux et balais, des partisans de Nikol Pachinian ont nettoyé la place de la République qui était depuis onze jours le centre de toutes les manifestations à Erevan, a constaté une journaliste de l'AFP.

Au pied du mémorial, les Arméniens étaient pour la plupart soulagés que les manifestations se soient terminées sans effusion de sang. «Je n'aimais pas Sarkissian, mais je ne peux pas ne pas le remercier pour le fait de n'avoir pas utilisé la force», explique Achot Minassian, un retraité de 72 ans.

Assia Bagdassarian, une employée de 43 ans, affirmait elle ressentir un mélange de «peine, de joie et d'inquiétude». «De la peine, car c'est le jour du génocide, de la joie, car il n'y a pas eu de nouvelle victime et de l'inquiétude, car je pense que tout ça ne fait que commencer», a-t-elle précisé.

Rappelant la tragédie ayant frappé les Arméniens au début du 20e siècle, Karen Karapetian a déclaré dans un communiqué que «nous (les Arméniens, NDLR) traversons aujourd'hui une autre étape très difficile de notre histoire».

«Nous montrons au monde aujourd'hui que, malgré les difficultés et nos problèmes internes non résolus, nous restons ensemble et unis», a-t-il ajouté.

Lundi soir, Nikol Pachinian a affirmé devant ses partisans qu'il allait rencontrer Karen Karapetian pour entamer des négociations, une rencontre prévue mercredi, car le 24 avril est férié en Arménie. M. Pachinian s'est prononcé pour la tenue d'élections législatives anticipées.

«Notre révolution de velours a gagné, mais ce n'est que le premier pas. Notre révolution ne peut pas s'arrêter à mi-chemin et j'espère que vous allez continuer jusqu'à la victoire finale», avait déclaré l'opposant à ses supporters.

Vote à l'assemblée

La bataille politique n'est pas terminée, le Parlement étant largement dominé par une coalition menée par le Parti républicain d'Arménie de Serge Sarkissian, qui dispose de 65 sièges sur 105. Un vote à l'Assemblée est prévu dans un délai de sept jours pour désigner un successeur au premier ministre.

Ancien Premier ministre et vice-premier ministre de Serge Sarkissian jusqu'à sa démission, Karen Karapetian est un proche de l'ex-homme fort du pays et un membre du Parti républicain d'Arménie, au pouvoir sans interruption depuis près de 20 ans.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dit aux journalistes espérer que «l'ordre et la stabilité seront préservés» en Arménie et qu'une «configuration politique faisant consensus parmi toutes les forces politiques arméniennes soit trouvée dans un futur proche».

Dans un communiqué, le porte-parole de la diplomatie azerbaïdjanaise Khimket Gadjiev a affirmé qu'après le «départ de la dictature militaire de Serge Sarkissian», Bakou espérait «une position constructive» du futur gouvernement sur le conflit au Nagorny-Karabakh, région séparatiste revendiquée par les deux pays.

«C'est si inspirant de voir les Arméniens unis dans des manifestations pacifiques pour faire la différence», a déclaré sur Twitter la vedette américaine Kim Kardashian, d'origine arménienne, saluant un «jour historique».

L'annonce surprise de la démission de Serge Sarkissian est intervenue lundi, quelques heures après la libération de Nikol Pachinian, interpellé la veille lors d'une manifestation.

«Je quitte le poste de dirigeant du pays», a laconiquement déclaré Serge Sarkissian dans un communiqué annonçant son départ. «Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompé», a ajouté M. Sarkissian, élu premier ministre la semaine dernière par les députés après avoir été président pendant dix ans.

N'ayant pas le droit de se représenter à un troisième mandat, il avait fait modifier la constitution pour renforcer les pouvoirs du premier ministre avant de se faire nommer à ce poste, son successeur comme président n'ayant plus que des pouvoirs honorifiques.

Les manifestants reprochaient également à M. Sarkissian, 63 ans, de n'avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption.