Des milliers de personnes ont continué à se mobiliser mercredi à Erevan contre l'ex-président Serge Sarkissian, élu la veille par les députés à un poste de premier ministre aux pouvoirs renforcés, l'opposition dénonçant une volonté de rester au pouvoir à vie.

Au moment où ce petit pays du Caucase est secoué par les plus importantes manifestations de ces dernières années, le Parlement a investi mardi l'ancien président, au pouvoir depuis 2008 et qui, grâce à une réforme constitutionnelle controversée, a contourné l'interdiction de se représenter à un troisième mandat en se faisant nommer premier ministre.

De nombreux protestataires ont encerclé tôt mercredi matin la résidence de Serge Sarkissian, dans le centre de la capitale arménienne, et 66 personnes qui tentaient de bloquer l'une des principales artères de la ville ont été interpellées, selon les forces de l'ordre.

«Les gens sont très en colère, ils ne peuvent plus supporter le règne de Sarkissian», a déclaré à l'AFP un manifestant de 26 ans, Atom, appelant «la jeunesse à se lever contre le régime de Sarkissian».

Dans un communiqué, le ministère arménien de l'Intérieur a appelé «les organisateurs des manifestations à arrêter ces actions illégales», avertissant qu'ils auraient à «assumer leurs responsabilités» en cas d'intervention policière.

De son côté, le président Vladimir Poutine a félicité Serge Sarkissian pour sa nomination. «Nous regardons les évènements en cours en Arménie et nous espérons que tout reste dans le cadre de la loi», a déclaré aux journalistes le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov.

Considéré comme prorusse, Serge Sarkissian a notamment fait adhérer son pays à l'Union eurasiatique, une union économique et douanière chapeautée par Moscou.

«La colère a grandi»

L'opposition a dénoncé mardi le vote parlementaire permettant à Serge Sarkissian de retrouver le pouvoir, l'accusant de manquer de soutien populaire. Mais les partisans du nouveau premier ministre assurent avoir remporté les élections législatives loyalement et, ayant la majorité au Parlement, avoir le droit de nommer qui ils désirent.

Le député et dirigeant de l'opposition Nikol Pachinian a annoncé mardi «le début d'une révolution pacifique de velours» et appelé ses soutiens à former des «comités révolutionnaires» à travers le pays.

«Une écrasante majorité d'Arméniens veut des changements politiques», a déclaré à l'AFP le politologue Guela Vasadze. «Les chances que les manifestations se transforment en révolution sont faibles mais si les autorités échouent à répondre à la demande du peuple, une révolution ne sera pas longue à venir», a-t-il ajouté.

Un autre analyste, Stepan Safaïan, estime pour sa part que «l'ampleur des manifestations prouve que la colère a grandi au cours des dernières années» mais que «l'opposition manque de ressources politiques pour obliger Sarkissian à démissionner».

Serge Sarkissian, qui vient d'achever son second et dernier mandat présidentiel, s'est fait élire premier ministre par le Parlement dans un pays où, après une réforme constitutionnelle, le président exerce désormais des fonctions largement protocolaires tandis que le Premier ministre dispose de pouvoirs renforcés.

L'opposition affirme que cette réforme avait pour unique but de maintenir au pouvoir Serge Sarkissian, un ancien officier de l'armée qui occupait le poste de président depuis 2008 après avoir été premier ministre en 2007-2008.

Le nouveau président, Armen Sarkissian, sans lien de parenté avec son prédécesseur, a prêté serment la semaine dernière.

Les manifestations ont débuté vendredi à Erevan et se sont depuis étendues aux deux autres plus grandes villes d'Arménie, Gioumri et Vanadzor.

Lundi, la police avait du faire usage de grenade assourdissantes à Erevan pour disperser les protestataires qui tentaient de forcer l'accès au Parlement. Les affrontements avaient fait 46 blessés, dont Nikol Pachinian.