Le scénario se répète mercredi sur les quais de gare: pour le deuxième jour de grève à la SNCF, le trafic ferroviaire est encore très perturbé, en raison d'une mobilisation toujours élevée parmi les personnels roulants.

Si la participation était annoncée en baisse par la direction, avec 29,7% de grévistes au global «en milieu de matinée» (après 33,9% la veille), trois quarts des conducteurs restaient mobilisés (74% contre 77% mardi) et il y avait davantage de contrôleurs (77% contre 69%) et d'aiguilleurs (46% contre 39%) en grève.

En conséquence, seul un TGV sur sept et un train régional sur cinq en moyenne, soit sensiblement la même chose que mardi, devaient circuler mercredi.

Le premier épisode de la grève, par épisodes de deux jours sur cinq, doit s'achever jeudi matin, avec un «retour progressif à la normale» dans la journée, selon la SNCF.

Cependant, si le trafic TGV est annoncé «quasi-normal» jeudi, trois trains sur quatre sont prévus pour les «trains du quotidien» (Transilien en région parisienne, TER en régions) et trois sur cinq pour les Intercités, a indiqué l'entreprise ferroviaire dans un communiqué.

«Raison de se défendre»

Jeudi, les syndicats représentatifs CGT, Unsa, SUD et CFDT ont prévu de se réunir avant une table ronde l'après-midi au ministère des Transports sur la dette, le financement et le statut de l'entreprise SNCF. Vendredi, une autre réunion au ministère se penchera sur les droits sociaux des cheminots.

À Marseille, mercredi matin, le calme régnait à la gare Saint-Charles où de nombreux passagers patientaient, résignés. «Depuis hier, je tente de rejoindre Miramas, où j'habite. J'ai dû passer la nuit à Marseille, mais tant mieux, j'en ai profité pour faire la fête!», a raconté Mistah, un trentenaire solidaire des cheminots, qui «ont bien raison de se défendre».

À la gare de Lyon-Perrache, vers 7h00, Véronique, une aide à domicile de 54 ans, descendait d'un train pris plus tôt qu'habituellement. «Pour mon employeur, la grève, c'est pas son problème. Il faut être à l'heure», dit-elle. «Je n'ai pas trop saisi le fond de la grève, mais il faut qu'ils arrêtent.»

«Je comprends les raisons de la grève», a estimé en revanche Emilie Hoertel, 39 ans, clerc d'avocat à Paris, qui fait le trajet chaque jour depuis Dijon. «Même si ça nous arrange pas la vie, pour garder un service public qui maille le territoire, ça vaut le coup de se battre.»

Le trafic avait déjà été «très perturbé» mardi. La direction a annoncé un taux de grévistes de 33,9% en matinée, soit moins que les 35,4% enregistrés le 22 mars, quand les cheminots ont manifesté à Paris. Mais parmi les «agents indispensables à la circulation des trains», le taux atteignait 48% (contre 36%).

Des chiffres remis en cause par les syndicats. La direction de la SNCF «manipule les chiffres», a affirmé mercredi Erik Meyer de SUD-Rail, faisant état sur France Inter d'un «taux de grévistes qui dépasse 60%».

Avec des modalités différentes, les quatre syndicats représentatifs à la SNCF sont tous lancés dans la bataille: une grève deux jours sur cinq jusqu'au 28 juin pour CGT, Unsa et CFDT; une grève illimitée reconductible par 24 heures pour SUD-Rail. Un nouveau préavis a été déposé par les trois premiers, courant de samedi 20h00 jusqu'à mardi 10 avril 7h55.

Environ 300 assemblées générales devaient se tenir mercredi pour décider de la suite à donner au mouvement, a précisé à l'AFP M. Meyer.

La grève ne devrait pas être reconduite jeudi, a-t-il estimé, compte tenu «des échanges entre grévistes» mardi. Mais «dans beaucoup d'endroits, les assemblées générales devraient voter des motions pour demander aux organisations syndicales un durcissement du mouvement la semaine prochaine».

Intérêt général

Le projet de loi sur le pacte ferroviaire, qui prévoit un recours aux ordonnances sur certains points, sera voté en première lecture le 17 avril à l'Assemblée.

Les députés Les Républicains devraient s'entendre pour voter «pour» la réforme de la SNCF, ou «s'abstenir», a estimé mercredi Damien Abad, un des vice-présidents du parti, qui, pour sa part, la votera.

«La bataille de l'opinion», titrait Le Parisien mercredi: de nombreux journaux estimaient en effet que c'est l'opinion qui sera «l'arbitre» du bras de fer en cours.

Pour le député LFI Adrien Quatennens, interrogé sur RFI, il y a de fait «une bataille de l'opinion à mener» pour «faire la démonstration» que les mouvements sociaux tel celui à la SNCF ne sont pas «une bataille de quelques secteurs pour eux», mais plutôt «une bataille d'intérêt général».

Les syndicats de la SNCF s'opposent à une réforme qui «vise à détruire le service public ferroviaire par pur dogmatisme». Dans leur viseur: la suppression de l'embauche au statut, l'ouverture à la concurrence et la transformation de la SNCF en société anonyme, prémices d'une future privatisation selon eux.