Les Polonais sont descendus dans la rue par milliers vendredi pour participer à des manifestations de «vendredi noir», contre un projet de loi destiné à durcir la loi anti-avortement, déjà parmi les plus restrictives d'Europe, ont constaté des journalistes de l'AFP.

À Varsovie, de jeunes femmes levaient haut, dans un mouvement bien coordonné, des grandes paumes rouges en carton avec l'inscription «Stop». D'autres portaient des placards avec des slogans variés, souvent rimés, de «Vos chapelles, nos utérus» à «Nous voulons avoir le choix, pas la terreur».

Plus tôt dans la journée, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, a averti la Pologne que ce projet interdisant l'avortement en cas de malformation du foetus est incompatible avec les engagements du pays en matière des droits de l'Homme.

Les manifestants, femmes et hommes, ont répondu présent aux organisations féministes, à l'origine de ce «vendredi noir», pour entamer devant le parlement une marche qui doit aboutir devant le siège du parti conservateur Droit et Justice (PiS) favorable à ce projet. Dès le démarrage du cortège, encore loin, le bâtiment a été entouré par un très important dispositif policier.

Une autre manifestation a débuté parallèlement devant le siège de l'archevêché de Varsovie, s'arrêtant au passage devant toutes les églises, pour dénoncer la pression exercée par l'épiscopat catholique de Pologne sur les hommes politiques sur cette question.

Des rassemblements de masse ont été organisés dans nombre d'autres villes du pays, Poznan, Wroclaw, Cracovie, Gdansk et Szczecin.

Si le texte présenté par le comité Stop Avortement est adopté par le Parlement, ce qui apparaît possible, l'IVG ne sera plus autorisée que dans deux cas: risque pour la vie ou la santé de la mère et grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.

Il «supprimera la possibilité de mettre fin à la grossesse en cas de sévère malformation du foetus, y compris dans les cas où une telle malformation est à issue fatale», a écrit le commissaire aux droits de l'Homme. «Une telle disposition serait incompatible avec les obligations de la Pologne envers la loi internationale sur les droits de l'Homme».

M. Muiznieks a pressé le parlement polonais de «rejeter cette proposition législative et toute autre proposition qui vise à limiter encore l'accès des femmes à leurs droits concernant la sexualité et la procréation».

Pour l'animatrice du comité Stop Avortement, Kaja Godek «cette loi représente chaque jour la vie de trois êtres humains». Selon elle, les malformations ont été en 2016 à l'origine de 1046 - soit 96% - des avortements légaux pratiqués en Pologne.

Les organisations féministes avaient déjà réussi en 2016, grâce à de grandes manifestations de femmes vêtues de noir, à obtenir le rejet d'un projet similaire par le parlement où les conservateurs sont majoritaires. Ce texte était encore plus restrictif: il prévoyait des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour les médecins et autres personnes participant à l'IVG, y compris pour les patientes elles-mêmes, mais autorisait le juge à renoncer à punir ces dernières.