Le Parquet russe a requis mardi neuf ans de camp contre l'historien russe Iouri Dmitriev, membre de l'ONG Mémorial et connu pour ses recherches sur les personnes ayant disparu pendant la terreur stalinienne, accusé de pédopornographie, a déclaré à l'AFP son avocat.

«L'affaire pénale comme la décision de la procureure ne sont pas fondées sur la loi. Elles sont fondées sur d'autres motivations», a ajouté Me Viktor Anoufriev, après une audience à Petrozavodsk, dans le nord-ouest de la Russie.

Iouri Dmitriev, 62 ans, dirige l'antenne de Mémorial en Carélie, une région russe frontalière de la Finlande. Le 13 décembre 2016, il avait été arrêté, accusé par les enquêteurs d'avoir réalisé des images «pornographiques» de sa fille adoptive.

L'historien, qui rejette toutes les accusations, a toujours assuré avoir pris ces photos à des «fins médicales» pour suivre l'évolution de la fillette, qui était extrêmement maigre et maladive dès sa naissance.

Il avait été remis en liberté fin janvier tandis que son procès se poursuivait, ce que Me Anoufriev avait alors qualifié de «pas vers la victoire», tandis que les soutiens de l'historien y voyaient une conséquence de la faiblesse des preuves à charge.

Pendant près de 30 ans, Iouri Dmitriev a dressé la liste de 40 000 noms de personnes exécutées et déportées en Carélie pendant la terreur stalinienne. Il est également à l'origine de la découverte de l'un des plus grands charniers de la région, à Sandarmokh, où ont été fusillées environ 9000 personnes.

En 2003, il a retrouvé les lieux de dernière sépulture de milliers de prisonniers ayant participé à la construction du canal de la mer Blanche entre 1931 et 1933. Trois ans plus tard, il a découvert les fosses communes comportant les corps des détenus du camp de travail des îles Solovki (Nord).

Le travail de mémoire reste difficile en Russie plus de 80 ans après l'apogée de la terreur stalinienne, qui a fait des millions de victimes, des personnes exécutées, envoyées au Goulag, déportées dans des régions insalubres ou ayant succombé à la famine.

Les autorités russes, Vladimir Poutine en tête, ont été souvent accusées de minimiser les aspects les plus sombres du passé soviétique au nom de l'unité nationale.