Moscou va expulser dans les jours qui viennent 23 diplomates britanniques et faire cesser les activités du British Council en Russie, en rétorsion aux mesures prises par Londres après l'empoisonnement en Grande-Bretagne d'un ex-espion russe et de sa fille.

Avec ces expulsions, une nouvelle étape est franchie dans la crise entre la Russie et la Grande-Bretagne, et par extension avec l'Occident, alors que Vladimir Poutine s'apprête à remporter sans surprise dimanche un quatrième mandat qui le maintiendra à la tête du pays jusqu'en 2024.

Dans ce contexte de quasi-guerre froide, Moscou n'a même pas attendu que l'élection présidentielle soit passée pour annoncer ses mesures de rétorsion aux expulsions de diplomates russes, annoncées mercredi par la première ministre britannique Theresa May.

Le ministère russe des Affaires étrangères, qui avait convoqué un peu plus tôt l'ambassadeur britannique Laurie Bristow pour lui faire part de cette décision, a ainsi annoncé que « 23 membres du personnel diplomatique de l'ambassade de la Grande-Bretagne à Moscou » seraient déclarées persona non grata et « expulsées dans la semaine ».

Cette mesure est une réponse aux « actions de provocation » et aux « accusations sans fondement concernant l'évènement du 4 mars à Salisbury », précise le ministère, faisant référence à l'empoisonnement dans cette ville du sud de l'Angleterre de l'ancien agent double Sergueï Skripal et de sa fille Ioulia, par un agent innervant de conception militaire russe.

Sergueï Skripal, 66 ans, et sa fille de 33 ans, sont toujours hospitalisés dans un état « critique », tandis que le policier également empoisonné lorsqu'il leur a porté secours est, depuis vendredi, hors de danger, selon Londres.

Moscou a également annoncé qu'il retirait « l'accord sur l'ouverture et le fonctionnement » du consulat britannique de Saint-Pétersbourg et qu'il mettait fin aux activités en Russie du British Council, l'organisme international britannique pour les relations culturelles et l'éducation, officiellement en raison de son « statut non défini ».

La réponse de la Russie « ne change rien aux faits »

La première ministre britannique Theresa May a estimé que les mesures de rétorsion prises par Moscou en réaction aux sanctions britanniques « ne changent rien » à la culpabilité de la Russie dans l'empoisonnement d'un ex-agent russe et de sa fille en Angleterre.

« La réponse de la Russie ne change rien aux faits: la tentative d'assassinat de deux personnes sur le sol britannique, pour laquelle il n'existe pas d'autre conclusion que celle de la culpabilité de l'État russe », a affirmé la cheffe du gouvernement lors d'un discours prononcé au congrès du Parti conservateur, à Londres.

Elle a précisé que le gouvernement « anticipait une réponse de la sorte » de la part des autorités russes. « Aux côtés de nos alliés, nous allons réfléchir aux prochaines étapes dans les jours qui viennent », a-t-elle déclaré. Un Conseil de sécurité nationale doit se tenir « en début de semaine prochaine » selon le ministère des Affaires étrangères britannique.

Theresa May a blâmé la Russie, « en violation flagrante du droit international et de la Convention sur les armes chimiques », tout en soulignant qu'il n'y avait « aucun désaccord avec le peuple russe » ou les Russes installés au Royaume-Uni.

Par ailleurs, le British Council, organisme oeuvrant au rayonnement de la culture britannique et de la langue anglaise à travers le monde, s'est dit samedi « profondément déçu » par les sanctions russes, le contraignant à fermer son antenne de Moscou.

En 2007, alors que Moscou et Londres étaient déjà engagés dans un bras de fer diplomatique autour de la mort par empoisonnement de l'ancien agent secret russe Alexandre Litvinenko, la Russie avait ordonné la fermeture de tous les bureaux régionaux du British Council en Russie, n'autorisant que le fonctionnement de celui de Moscou.

Le ministère russe des Affaires étrangères a également prévenu la Grande-Bretagne que, « si de nouvelles mesures inamicales étaient prises par Londres à l'égard de la Russie, elle se réserve le droit de répondre à son tour par d'autres mesures ».

Conseils de sécurité

« Les mesures sont plus sévères [que les mesures anglaises, NDLR] mais les Britanniques les méritent. Et je n'exclus pas que quelque chose d'autre suive », a assuré Vladimir Djabarov, vice-président du Comité des affaires étrangères du Conseil de la Fédération, cité par l'agence de presse russe Interfax.

Selon la BBC, la police britannique a commencé à contacter plusieurs exilés russes au Royaume-Uni afin de leur donner des conseils en matière de sécurité, des mesures que la police britannique n'a toutefois pas confirmées à l'AFP.

Mercredi, la première ministre Theresa May avait annoncé l'expulsion de 23 diplomates russes, une mesure inédite depuis la fin de la Guerre froide, et le gel des contacts bilatéraux avec la Russie.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson avait alors assuré que Londres en voulait au « Kremlin de Poutine » et non à la Russie pour cette attaque commise à Salisbury, petite ville du sud de l'Angleterre.

« Nous pensons qu'il est extrêmement probable qu'il s'agisse de sa décision d'ordonner l'utilisation d'un agent neurotoxique dans les rues du Royaume-Uni, dans les rues de l'Europe, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale », avait déclaré M. Johnson.

Le Kremlin avait aussitôt réagi, par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov. Dans cette affaire, « toute mention ou référence à notre président n'est rien d'autre que choquant et impardonnable », a-t-il dit.

Moscou nie depuis le début avoir commandité cette attaque au « Novitchok », un agent toxique mis au point à l'époque soviétique et que, selon un de ses inventeurs vivant désormais aux États-Unis, seule la Russie est capable de produire.

L'OTAN s'était dite « profondément préoccupée par la première utilisation offensive d'un agent neurotoxique sur le territoire de l'Alliance depuis sa fondation », notant qu'elle considérait « toute utilisation d'armes chimiques comme une menace pour la paix et la sécurité internationales ».

Moscou avait répondu en niant avoir fabriqué du « Novitchok ». « Il n'y a eu aucun programme de développement d'armes chimiques sous le nom "Novitchok" ni sous l'URSS, ni en Russie », avait déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov.