C'est le procès hors norme d'un huis clos macabre qui s'ouvre jeudi à Copenhague : Peter Madsen, un inventeur danois, répond de l'assassinat de la journaliste suédoise Kim Wall venue l'interviewer en août 2017 sur son sous-marin.

La scène du crime est un submersible, le plus long du monde dans sa catégorie, le meurtrier présumé un original rêvant d'abysses et d'espace, la victime une jeune reporter à la carrière aussi brillante qu'éphémère, dont le corps mutilé a fini en mer.

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L'interview

Originaire de Trelleborg, paisible ville portuaire du sud de la Suède, Kim Wall, 30 ans, a rendez-vous le 10 août 2017 sur un quai de Copenhague où l'attend Peter Madsen, un inventeur danois autodidacte qui a conçu et fabriqué l'UC3 Nautilus, un sous-marin de 18 mètres.

La jeune femme, journaliste indépendante formée à l'université Columbia de New York, veut interviewer l'énergumène quadragénaire que les Danois connaissent pour avoir aussi lancé des fusées à près de 10 kilomètres d'altitude.

À 19h, le Nautilus largue les amarres. Des plaisanciers aperçoivent l'inventeur et la journaliste souriant depuis la tourelle du sous-marin en baie de Køge, entre le littoral danois et les côtes suédoises.

Le petit ami de Kim Wall, resté fêter avec des amis le proche départ du couple qui a décidé de partir s'installer en Chine, déclare sa disparition dans la nuit du 10 au 11.

Des recherches sont menées en baie de Køge. Le 11, le sous-marin est repéré en train de couler. Peter Madsen est secouru : le submersible, dit-il aux policiers et à une équipe de télévision, a été victime d'une avarie et il a débarqué Kim Wall la veille au soir. « Je sais qu'elle s'appelle Kim, c'est tout », affirme-t-il sans ciller devant la caméra.

La disparition

Les enquêteurs n'en croient rien : le 11 août, Peter Madsen est placé en garde à vue et écroué le lendemain pour homicide par négligence.

Le sous-marin, sabordé par son propriétaire, est renfloué. Malgré les éléments à charge, il faudra une dizaine de jours à Peter Madsen pour confirmer - le 21 - la mort de la jeune femme à bord. Mais c'est un accident, assure-t-il, et il a jeté son corps par-dessus bord pour lui offrir une sépulture marine.

Le même jour, un cycliste retrouve un buste sans tête en baie de Køe, la première d'une série de découvertes macabres qui permettront au légiste de lire sur le corps mutilé le scénario de son supplice - sans jusqu'ici parvenir à établir les causes de la mort.

Supplice

Confronté aux examens médico-légaux, Peter Madsen précise sa version des faits le 24 août : Kim Wall a reçu le panneau de l'écoutille sur la tête, et s'est tuée en chutant au fond du sous-marin. L'autopsie ne révèlera aucun traumatisme pouvant étayer ses déclarations.

Le 3 octobre, les enquêteurs publient les détails glaçants de l'autopsie : Kim Wall a été violentée et torturée. 14 blessures ante mortem sont identifiées dans et autour de ses parties génitales.

Le profil du meurtrier présumé se précise au fil des perquisitions et des auditions de ses ex-compagnes qui décrivent un homme capable d'accès violents, sexuellement pervers. Dans son disque dur, les enquêteurs trouvent des films fétichistes dans lesquels des femmes « visiblement réelles » sont torturées, décapitées et brûlées.

Le mobile

Les auditions suivantes n'apportent aucun éclaircissement sur la mort de Kim Wall : Peter Madsen affirme qu'il était sur le pont.

L'accusation soutient au contraire qu'il a tué Kim Wall pour assouvir des fantasmes sexuels. Rien ne permet de dire qu'il s'exprimera sur les circonstances de la tragédie au cours de son procès, mais les éléments à charge sont accablants.

Le ministère public va demander la réclusion à perpétuité pour meurtre, atteinte à l'intégrité d'un cadavre et agression sexuelle. Ou, s'il est reconnu irresponsable pénalement, une mesure de « détention de sûreté » sans limites de temps.