Le demandeur d'asile ouzbek qui a revendiqué l'attentat au camion-bélier ayant fait cinq morts en avril 2017 à Stockholm a assuré mardi devant la Cour, au troisième jour de son procès pour terrorisme, n'avoir bénéficié d'aucune complicité active, malgré de nombreux contacts avec des hommes du «califat islamique» sur des messageries cryptées.

Rakhmat Akilov est jugé pour avoir lancé à vive allure un camion de livraison volé dans une rue piétonne et commerçante très fréquentée de Stockholm le 7 avril 2017, à une heure de forte affluence.

Trois Suédoises, dont une fillette de 11 ans, un Britannique et une Belge avaient été tués, et dix autres passants blessés.

Cet Ouzbek de 40 ans, ouvrier du bâtiment qui avait été débouté de sa demande d'asile en Suède, avait prêté allégeance au groupe État islamique (EI).

Bien que l'organisation djihadiste n'ait jamais émis de revendication, Rakhmat Akilov - pantalon vert et veste polaire sur le dos - a de nouveau affirmé mardi avoir reçu le feu vert de «personnes» de l'EI présentes au sein du «califat», en Afghanistan notamment.

En mars, il prend ainsi des photos à plusieurs endroits du lieu où il commettra l'attentat.

«Pourquoi ces photos?», lui demande le procureur.

«Pour les envoyer à des amis de l'EI».

«Pour qu'ils approuvent un attentat? sur ces lieux?»

«Oui», rétorque Akilov.

L'étude de son téléphone portable a révélé de nombreux contacts avec des interlocuteurs étrangers sur des messageries cryptées, sans que les enquêteurs aient pu les identifier.

Akilov affirme ne pas connaître leur véritable identité et n'en avoir jamais rencontré aucun, pas même en Turquie lorsqu'il s'y rend, en novembre 2014, dans l'espoir de passer en Syrie et de rejoindre le «califat» pour «y vivre selon les préceptes de l'Islam».

L'enquête n'a pas non plus permis de déterminer s'il a bénéficié d'une aide matérielle ou financière en Suède. Seul mis en cause dans cette affaire, il encourt la prison à vie pour acte terroriste et tentative d'acte terroriste.

Ces contacts virtuels sont «importants pour savoir s'ils ont été nécessaires à la mise en oeuvre de son projet», a commenté après l'audience le procureur Hans Ihrman.

«Notre conclusion est qu'ils n'ont pas été déterminants», même s'ils ont pu constituer une forme de «soutien», a-t-il ajouté.

Mourir en martyr

Akilov a expliqué en russe devant le tribunal avoir agi dans le but de voir la Suède «arrêter sa participation dans la lutte contre le califat et qu'elle cesse d'envoyer ses soldats dans les zones de guerre».

Selon son avocat, Johan Eriksson, l'accusé avait l'intention de mourir lors de l'attentat, abattu par la police ou tué par une bombe artisanale trouvée dans la cabine du camion. Des bouteilles de gaz se sont enflammées sans exploser.

Akilov entendait «combattre l'ennemi (...) avec les mêmes moyens qu'il utilise pour nous combattre», a-t-il déclaré devant la Cour, d'une voix assez faible mais assurée. «Par l'explosion, je serais mort en martyr», a-t-il ajouté.

Rakhmat Akilov s'était enfui mais avait été arrêté quelques heures plus tard. Il avait reconnu sa responsabilité dès son premier interrogatoire, et plaidé coupable dès l'ouverture du procès, le 13 février.

«J'ai ainsi agi car mon coeur et mon âme souffrent pour les victimes des bombardements de la coalition de l'OTAN», a-t-il déclaré mardi.

«Est-ce un attentat réussi, selon vous?», lui demande encore le procureur.

- «Non».

- «Pourquoi?».

- «Parce que j'y ai survécu».

Absence de regrets

Après avoir été débouté par l'Office des migrations en juin 2016, Rakhmat Akilov était entré en clandestinité pour éviter son expulsion.

Père de quatre enfants, consommateur d'alcool et de stupéfiants selon des collègues ou connaissances, il vivait seul en Suède, sans sa famille. Il a affirmé aux enquêteurs avoir vécu ses derniers temps de liberté dans une tente, dans un «camp de Roms».

«Jusqu'à présent, c'est évident que nous avons affaire à une personne convaincue de la grandeur de son acte», a indiqué Gustaf Linderholm, avocat de 13 rescapés.

Sa défense et les conseils des parties civiles devaient succéder au ministère public pour l'interroger mercredi.

AFP

La police sur la scène du crime, le 7 avril dernier.