De nombreux Serbes de Mitrovica, au Kosovo, ont exprimé mercredi leur tristesse et leur pessimisme quant aux chances de succès de l'enquête en cours sur l'assassinat de l'homme politique serbe kosovar Oliver Ivanovic.

Ils ont été des milliers à suivre, jusqu'à la sortie de la ville (nord), le corbillard parti du siège de la petite formation sociale-démocrate que dirigeait Oliver Ivanovic, devant laquelle il a été abattu mardi. La police a indiqué qu'elle cherchait toujours à déterminer l'identité des assassins.

Mitrovica, où la police a dit avoir renforcé la sécurité «dans des endroits sensibles», est divisée entre secteurs serbe au nord et albanais au sud. Elle est aussi en proie à une importante criminalité.

Ses 85 000 habitants vivent toujours dans une atmosphère tendue, près de deux décennies après le conflit de 1998-99 entre forces serbes et indépendantistes kosovars albanais (13 000 morts). Avec le soutien de Belgrade, la minorité serbe du Kosovo (120 000 personnes sur 1,8 million) rejette toujours l'indépendance près de dix ans après sa proclamation en février 2008.

«Oliver n'a jamais voulu partir d'ici, abandonner son Mitrovica et son Kosovo. Il encourageait les Serbes à rester. Mais le jour où il faut l'accompagner vers Belgrade est arrivé, dans un cercueil», a commenté Ksenija Bozovic, vice-présidente du parti, l'Initiative civique. «Il aurait été bien que les milliers de citoyens venus le saluer aujourd'hui, aient voté pour lui. Il serait le maire» de Mitrovica-nord, a de son côté dit son avocat Nebojsa Vlajic.

Agé de 64 ans, Oliver Ivanovic, rare représentant de sa communauté à parler l'Albanais, avait une image de modéré parmi la classe politique serbe du Kosovo, même s'il devait être rejugé pour crimes de guerre en 1999 contre des kosovars albanais, une accusation qu'il niait. Il était aussi un des rares à s'opposer à la ligne politique imposée aux Serbes du Kosovo par la Serbie.

Avec sa mort, «nous n'avons plus de politicien civilisé», se lamente Sasa, 41 ans, qui ne donne pas son identité complète.

Selon les résultats de l'autopsie révélés dans la nuit de mardi à mercredi, Oliver Ivanovic a été la cible de six tirs d'une arme de poing vraisemblablement munie d'un silencieux, un «Zastava», la marque d'armement de l'ex-Yougoslavie.

La police a annoncé mercredi avoir interrogé des témoins et ouvert une ligne téléphonique dédiée afin de recueillir des informations confidentiellement.

Elle examine des images de vidéosurveillance et enquête sur les déplacements de l'Opel Astra utilisée par les tueurs puis retrouvée calcinée à proximité des lieux du crime.

«Acte terroriste ou assassinat politique?»

De nombreux mystères devront être éclaircis par une enquête codirigée par des procureurs serbe et albanais du Kosovo: tueurs serbes ou albanais kosovars? «Acte terroriste ou assassinat politique?», s'interrogeait le quotidien serbe indépendant Danas.

«Les polices, la nôtre comme la leur, ne feront rien, comme toujours», dit Sasa, convaincu que les assassins ne seront jamais découverts. Si cet assassinat «n'est pas élucidé à quoi peuvent s'attendre les citoyens»?, demande Ksenija Bozovic.

Le quotidien kosovar Koha Ditore redoutait mercredi les conséquences de cet assassinat qui «tend la situation dans le nord du Kosovo».

L'assassinat est intervenu le jour où devaient reprendre à Bruxelles les pourparlers entre les Serbes du Kosovo et les autorités de Pristina pour une normalisation de leurs relations, un processus au point mort depuis des mois.

Dès l'assassinat connu, les Serbes ont annulé la réunion. Le négociateur kosovar, Avni Arifi, les a appelés à revenir à la table de discussions.

Le gouvernement kosovar a indiqué mercredi avoir donné son aval à une visite ce week-end dans les zones serbes du nord du Kosovo du président serbe Aleksandar Vucic, dont Oliver Ivanovic était un adversaire politique. Conseiller du ministre kosovar des Affaires étrangères, Jetlir Zyberaj lui a demandé de «bien se comporter et de respecter les règles fixées, lors de son séjour en république du Kosovo».