Le pape François, en route lundi pour une visite d'une semaine au Chili et au Pérou, a déclaré que le monde était « à la limite » du risque de guerre nucléaire et expliqué que la situation le terrifiait.

Le pape argentin s'exprimait dans l'avion au surlendemain d'une alerte au missile - qui s'est avérée sans objet - ayant semé la panique à Hawaii, alors que la Corée du Nord laisse planer la menace d'une attaque nucléaire.

« Je pense que nous sommes à la limite. J'ai vraiment peur. Il suffirait d'un accident pour tout précipiter », a-t-il déclaré.

Jorge Bergoglio, qui a souvent évoqué les dangers d'une guerre nucléaire, a fait distribuer aux journalistes une petite carte illustrée d'une photo poignante prise en 1945 après l'explosion de la bombe atomique à Nagasaki et montrant un enfant japonais portant sur le dos son petit frère mort.

Au dos de la carte, quatre mots écrits de la main du pape : « Le fruit de la guerre ».

Pour sa sixième visite en Amérique latine, François va soutenir les peuples indigènes et revigorer des Églises locales en perte de vitesse, touchées par des scandales de pédophilie.

Au moment de survoler son Argentine natale, le pape qui était attendu à Santiago à 20 h 10 locales (18 h 10, HE), a demandé à ses concitoyens de « prier pour lui » sans annoncer une éventuelle future visite, comme beaucoup l'attendaient. Depuis le début de son pontificat, il y a près de cinq ans, il ne s'est pas encore rendu dans son pays.

Turbulences politiques 

Ce voyage d'une semaine dans la catholique Amérique latine restera très spirituel, mais le premier pape latino-américain rencontrera aussi les autorités gouvernementales de deux pays en période de turbulences politiques.

Le Chili est en pleine transition, après la victoire à la présidentielle de décembre du milliardaire conservateur Sebastian Piñera, suscitant des interrogations sur les réformes sociétales de la socialiste sortante Michelle Bachelet, dont l'avortement thérapeutique.

Le Pérou s'enfonce de son côté dans une profonde crise, depuis la grâce accordée à Noël à l'ex-président Alberto Fujimori, condamné pour corruption et crimes. Très critiqué pour cette décision, le chef de l'État Pedro Pablo Kuczynski, ex-banquier de Wall Street, a lui-même échappé à une destitution pour ses liens avec le géant du BTP brésilien Odebrecht.

Les temps forts du 22e voyage de son pontificat - du 15 au 18 janvier au Chili, puis du 18 au 21 janvier au Pérou - seront indubitablement ses rencontres avec des peuples indigènes. Dans les deux pays, le pape déjeunera avec eux en petit comité.

À Temuco, à plus de 600 km au sud de Santiago du Chili, il s'adressera aux indigènes Mapuche (7 % de la population chilienne), qui occupaient un vaste territoire à l'arrivée des conquistadors espagnols au Chili en 1541. Cette région, Auracania, est toutefois rythmée par des actions d'une minorité radicalisée, qui incendie des entreprises forestières mais aussi des églises. Le pape n'y est donc pas le bienvenu pour tous.

Autre source d'inquiétude pour les services de sécurité, une série d'attaques ont visé durant le week-end cinq églises de Santiago du Chili, l'oeuvre possible de groupes anarchistes.

« Piété populaire »

À Puerto Maldonado, au coeur de l'Amazonie dans le sud-est du Pérou, il sera accueilli par quelque 3500 indigènes, dont certains de Bolivie et du Brésil.

Preuve de l'intérêt qu'il porte aux menaces environnementales pesant sur ce poumon vert et ses habitants, le pape a convoqué pour 2019 un synode (réunion mondiale d'évêques) consacré aux peuples d'Amazonie.

Ce déplacement s'annonce mouvementé aussi sur le fond, de l'aveu même du numéro deux du Vatican, le cardinal Pietro Parolin qui a admis : « ce ne sera pas un voyage simple ».

Selon la base de données de l'ONG américaine Bishop Accountability, des dénonciations pour abus sexuels ont concerné près de 80 religieux au Chili, où le pourcentage d'athées est passé de 12 % à 22 % entre 2006 et 2014.

Le Vatican a annoncé mercredi avoir mis sous tutelle un mouvement catholique péruvien, Sodalitium Christianae Vitae, dont le fondateur Luis Fernando Figari, réfugié à Rome, est au coeur d'une enquête pour pédophilie.

Ce voyage tambour battant, avec plus de 30 000 kilomètres parcourus, sera aussi une machine à remonter le temps pour Jorge Bergoglio, 81 ans, qui étudia au Chili lors de son noviciat jésuite et retrouvera l'un de ses anciens camarades.