Angela Merkel et le chef des sociaux-démocrates se rencontrent mercredi dans la soirée afin de soupeser la possibilité de faire alliance dans un prochain gouvernement, ce qui permettrait à l'Allemagne de sortir de l'impasse politique près de trois mois après les législatives.

Cette réunion entre la chancelière, le patron des conservateurs bavarois Horst Seehofer et Martin Schulz du SPD (Parti social-démocrate) était censée commencer à 19h00 dans une salle du Parlement allemand, les partis voulant préserver la confidentialité des discussions.

La cheffe du gouvernement est en tout cas impatiente de trouver un accord avec le SPD : «Je n'exagère pas en disant que le monde attend que nous puissions agir», a déclaré en début de semaine Mme Merkel, sortie victorieuse mais affaiblie du scrutin du 24 septembre.

En quête d'un gouvernement «stable», c'est-à-dire ayant la majorité absolue à la Chambre des députés, celle qui dirige la première économie européenne depuis douze ans n'a plus d'autre choix que de s'allier de nouveau avec les sociaux-démocrates après le retentissant échec des pourparlers avec les libéraux et les écologistes.

Plus le statu quo se prolonge, «plus il paralyse l'Allemagne sur la scène européenne et affaiblit les efforts du président français Emmanuel Macron pour plus d'intégration européenne», note Josef Janning, le directeur du groupe de réflexion Conseil européen des affaires étrangères, dont le siège est à Berlin.

Si les conservateurs sont donc très pressés d'entamer des discussions pour pouvoir -si tout va bien- former un gouvernement au premier trimestre 2018, le SPD, échaudé après son résultat historiquement bas aux élections, se fait prier.

Même si les sociaux-démocrates ont donné leur accord à l'ouverture de pourparlers, Martin Schulz marche sur des oeufs.

GroKo, gouvernement minoritaire ou ... KoKo?

Les délégués de son parti sont en effet très divisés sur la pertinence de prolonger la grande coalition (GroKo) sortante, susceptible de nourrir davantage l'extrême droite et d'accélérer la descente aux enfers de leur formation.

Au soir des législatives, Martin Schulz avait annoncé une cure d'opposition pour son parti. Mais la menace d'élections anticipées et la pression du chef de l'État Frank-Walter Steinmeier -lui-même social-démocrate- l'ont contraint à une délicate volte-face.

Le patron du SPD évoque du coup d'autres options à la «Groko», comme un gouvernement minoritaire des conservateurs soutenu de l'extérieur par les sociaux-démocrates, ou une solution hybride, où seuls des projets-clés seraient inscrits dans un contrat de coalition, d'autres resteraient sujets à négociation au Bundestag, la chambre basse du Parlement. Une coalition de coopération déjà baptisée «KoKo» dans la presse.

«Des majorités fluctuantes peuvent paraître en théorie intéressantes mais en pratique cependant, cela rendrait très difficile une bonne coopération», a estimé un représentant de la CDU, Volker Bouffier, dans la Frankfurter Allgemeinen Zeitung.

Ces tergiversations sont jugées «ridicules» par les conservateurs, qui sont toutefois prêts à ménager les sociaux-démocrates dont ils «ont absolument besoin» pour constituer un gouvernement stable et éviter des élections anticipées risquées, note mercredi l'édition en ligne du Spiegel.

Lignes rouges? 

Quelle que soit la forme d'un futur gouvernement, Martin Schulz a déjà posé un certain nombre de conditions. À commencer par des avancées dans la refonte de la zone euro, au diapason d'Emmanuel Macron qui propose un budget commun pour la région et un ministre européen des Finances. Ces idées ont jusqu'ici été accueillies avec scepticisme par la chancelière qui redoute toute mutualisation de la dette.

Les sociaux-démocrates veulent aussi une assurance universelle en matière de sécurité sociale ou encore un assouplissement des règles du regroupement familial pour les réfugiés. Deux propositions pour le moment rejetées par les conservateurs.

«Il ne serait pas intelligent de dresser des lignes rouges ou de déclarer que certains points ne sont pas négociables», a estimé Olaf Scholz, un poids lourd du SPD.

Le chef des sociaux-démocrates est condamné à s'imposer sur certains points, faute de quoi les militants -dont le feu vert est indispensable à la mise en place d'une éventuelle nouvelle alliance- risquent de lui refuser leur soutien.

Avec pour conséquence probable l'organisation d'élections anticipées, dont personne ne veut de peur qu'elles ne profitent surtout au parti d'extrême droite l'Alternative pour l'Allemagne.