Dix dirigeants indépendantistes catalans passeront un week-end de plus en prison, la Cour suprême ayant repoussé à lundi sa décision sur leur demande de libération.

L'ancien vice-président catalan Oriol Junqueras, sept autres membres de son exécutif destitué et deux dirigeants d'associations indépendantistes étaient entendus vendredi matin par le juge d'instruction Pablo Llarena, qui se charge dorénavant de l'enquête sur tout le noyau dur indépendantiste.

Il a annoncé à leurs avocats qu'il ne prendrait sa décision que lundi, selon une source judiciaire.

Leur sortie de prison marquerait un tournant dans la campagne pour les élections du 21 décembre que les indépendantistes, depuis l'échec de leur tentative de sécession de cette région du nord-est de l'Espagne, mènent sur le thème de la libération de ce qu'ils appellent « prisonniers politiques ».

Deux concerts en soutien aux prisonniers sont d'ailleurs prévus ce week-end en Catalogne.

« La répression de l'État est à l'heure actuelle l'élément mobilisateur de l'indépendantisme », a déclaré à l'AFP le politologue catalan Oriol Bartomeus, proche des socialistes.

« Dès lors qu'ils n'auront plus de prisonniers politiques, ils devront réorienter leur campagne », estime-t-il.

Or, contrairement au juge d'instruction du tribunal qui avait envoyé les dix dirigeants en prison, celui de la Cour suprême s'était montré clément avec d'autres élus séparatistes en les laissant en liberté contre le paiement d'une caution.

Renoncer à l'indépendance unilatérale

Des représentants de partis et associations séparatistes ont assuré à la presse que l'argent pour payer les cautions était prêt, « pour qu'ils ne soient pas en prison cinq minutes de plus » selon l'expression de l'élue indépendantiste Ester Capella.

Plusieurs séparatistes emprisonnés, dont M. Junqueras, ont assuré dans leur demande de remise en liberté qu'ils renonçaient à l'indépendance unilatérale vis-à-vis de l'Espagne, déclarée le 27 octobre par le parlement catalan.

Ils disent également accepter la prise de contrôle de la Catalogne par le gouvernement central, qui avait dans la foulée destitué le gouvernement régional et convoqué de nouvelles élections en Catalogne.

C'est la même stratégie de défense qu'avaient employé début novembre l'ex-présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, et cinq députés, avant d'être remis en liberté.

« Ils doivent se défendre pour rentrer chez eux et pouvoir participer à la campagne [mais] je crois qu'il ne faut renoncer à aucune conviction », a justifié le sénateur indépendantiste Josep Lluis Cleries venu les soutenir devant le tribunal.

Les militants indépendantistes, furieux de la détention de leurs dirigeants, ont multiplié depuis de petites manifestations et arborent un ruban jaune en soutien aux « prisonniers politiques ».

« Vous devez sortir de prison parce que vous n'auriez jamais dû y entrer », a tweeté dans la matinée le président catalan destitué Carles Puigdemont depuis Bruxelles où il a fui avec quatre membres de son gouvernement.

La justice belge examine un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne contre eux.

Mais Carles Puigdemont ainsi qu'Oriol Junqueras et la majeure partie des anciens membres du gouvernement catalan sont tout de même candidats aux élections régionales du 21 décembre.

Campagne semée d'embûches

Bien qu'ils aient réussi à organiser un référendum d'autodétermination le 1er octobre et à déclarer ensuite l'indépendance, beaucoup de dirigeants ont ensuite reconnu ne pas disposer des moyens de créer un État en bonne et due forme.

Cette fois-ci les, indépendantistes ne précisent pas leurs intentions s'ils remportent à nouveau une majorité absolue le 21 décembre, et concentrent leurs attaques sur le gouvernement de Madrid.

La libération des prisonniers, qui seraient libres de faire campagne contrairement à M. Puigdemont dans son exil, pourrait diviser encore plus les deux principaux partis séparatistes, le PDeCAT du président déchu et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) d'Oriol Junqueras, en tête dans les sondages.

Les sondages prédisent un équilibre des voix entre indépendantistes et non indépendantistes, ce qui compliquerait la formation d'un gouvernement.