Des générations entières du peuple lapon qui habite le nord reculé de la Norvège ont été victimes de viols et d'agressions sexuelles qui n'ont jamais été dénoncés ou enquêtés, confirme la police dans un rapport qui met en lumière les défaillances des autorités de la région.

Le document dévoilé cette semaine s'étire de 1953 jusqu'en août 2017. Il détaille au moins 151 agressions sexuelles, dont 43 viols, dans la municipalité arctique de Tysfjord, qui compte moins de 2000 habitants. La plupart des crimes n'ont jamais été dénoncés.

La plus jeune des 82 victimes identifiées par la police n'avait que 4 ans, tandis que les 92 agresseurs présumés étaient âgés de 10 à 80 ans. Certaines personnes semblent avoir été la fois des victimes et des agresseurs. En plus des viols, 40 dossiers traitent de relations sexuelles avec des mineur(e)s.

Des accusations ont jusqu'à présent été déposées contre deux personnes dans dix dossiers, mais le délai de prescription est expiré dans plusieurs affaires.

Le rapport de la police du Nordland, qui englobe Tysfjord, a été commandé quand un quotidien norvégien, le Verdens Gang, a publié l'an dernier les récits de 11 hommes et femmes qui prétendaient avoir été agressés.

La dirigeante du Nordland, Tone Vangen, s'est excusée dans la foulée de la parution du document et a admis que «la police n'a pas bien fait son travail».

Mme Vangen a confié aux médias locaux que certaines victimes ont dit aux policiers que «des agresseurs ont reçu le pardon des autorités religieuses et des affaires ont été classées comme ça». Elle a ajouté que plusieurs agresseurs entretenaient des liens avec un mouvement luthérien qui a vu le jour au Lapland au milieu du 19e siècle.

«On ne peut pas dire que l'ethnicité ou les croyances justifient ces agressions, a-t-elle dit. Mais en même temps il y a des mécanismes associés à l'environnement (lapon) qui compliquent la tenue d'une enquête.»

Un porte-parole de la communauté laponne locale, Lars Magne Andreassen, a évoqué «la loyauté, le manque de confiance envers les autorités et le fait que la police et les services de santé ou sociaux n'avaient pas la compétence pour vérifier ce qui s'était passé» pour expliquer comment une telle situation a pu perdurer.

«Il y a eu une défaillance énorme du filet de sécurité qui aurait dû protéger les enfants qui ont été agressés à Tysfjord», a reconnu la défenseure des droits des enfants en Norvège, Anne Lindboe.

Entre 40 000 et 60 000 Lapons habitent le nord de la Norvège. Ils disposent de leur propre parlement en plus d'être représentés au parlement norvégien. En 1997, le roi Harald V s'est excusé au nom de la nation du traitement qui leur a été réservé.