Démissions, divisions, scandale sexuel: le gouvernement britannique craque de tous côtés et donne de Theresa May l'image d'une première ministre à bout de souffle, quand elle aurait au contraire besoin de toutes ses forces pour négocier le Brexit.

C'est une série noire qui semble ne jamais devoir prendre fin pour la dirigeante conservatrice.

Il y a eu d'abord la perte de sa majorité absolue au Parlement lors des législatives de juin. Puis son discours raté devant le congrès de son parti, début octobre. Et enfin, dernièrement, deux démissions en l'espace d'une semaine au sein de son gouvernement.

Mis en cause dans le scandale de harcèlement sexuel qui secoue la classe politique britannique, le ministre de la Défense Michael Fallon, un poids lourd du gouvernement, a jeté l'éponge le 1er novembre.

Mercredi soir, c'est Priti Patel, la secrétaire d'État britannique au Développement international, qui a quitté l'exécutif, après s'être affranchie des règles de fonctionnement du gouvernement en rencontrant, à l'insu de ses collègues, des personnalités politiques israéliennes.

«Craintes d'un effondrement du gouvernement après la démission de Patel», résumait jeudi, en Une, le quotidien The Times, expliquant que les dirigeants européens se préparent à la possibilité que Theresa May elle-même finisse par sauter avant la fin de l'année.

«Nous sommes un peu inquiets de ce que nous voyons en ce moment au Royaume-Uni, nous voulons un partenaire de négociation fort», a dit à l'AFP un diplomate de l'UE.

Défilé de clowns

Le caricaturiste du Guardian Steve Bell raillait lui l'image désastreuse renvoyée par le «Royaume-Uni dans le monde» en dessinant la première ministre et des membres de son gouvernement paradant sur un drapeau britannique déguisés en clowns grotesques.

«La démission de Patel montre à quel point May est faible», souligne l'analyste Simon Usherwood, de l'université du Surrey.

Preuve en est, dit-il à l'AFP, la manière dont l'affaire Priti Patel s'est dénouée: au lieu d'annoncer le limogeage pur et simple de sa secrétaire d'État, et d'envoyer au passage un message sans équivoque de fermeté et de détermination, Theresa May lui a permis de démissionner.

«Combien d'autres ministres peut-elle encore perdre avant que le parti (conservateur) décide que la situation est incontrôlable?», s'interroge l'expert, alors que deux autres ministres sont mis cause dans le scandale de harcèlement sexuel. Autant de bombes à retardement potentielles pour Theresa May, qui doit aussi composer avec les gaffes à répétition de son ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson dont beaucoup réclament la tête.

Même constat pour Charles Grant, directeur du centre de recherche Centre for European Reform (CER): «Le gouvernement s'affaiblit de jour en jour», dit-il à l'AFP, estimant, malgré tout, «que Theresa May sera toujours première ministre à la fin de l'année».

Car faute d'alternative claire, et craignant le regain de forme du chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn, les conservateurs devraient réfléchir à deux fois avant de lâcher Theresa May.

«Colère et ressentiment»

Guère tendre ces derniers mois avec la première ministre, Paul Goodman un responsable de l'influent blogue conservateur ConservativeHome, estime qu'elle a toujours la possibilité de redresser la barre.

«Seuls les parlementaires conservateurs peuvent la forcer à partir, ce qu'ils ne feront pas», écrit-il jeudi dans un billet. Avant de prévenir néanmoins: «Mais ça ne veut pas dire que le gouvernement est dans une bonne position (...) ou que Theresa May est à l'abri, c'est même loin d'être le cas».

Pour Charles Grant, le sort de Theresa May pourrait être lié à sa capacité à faire avancer les négociations sur le Brexit, plus grand défi que doit relever le pays depuis la Seconde Guerre mondiale.

Ces dernières ont repris jeudi à Bruxelles, mais sans grands espoirs de percée, et, note-t-il, dans un climat forcément en partie troublé par les déboires de Mme May.

«Le Royaume-Uni était autrefois considéré comme un interlocuteur pragmatique», dit-il. Aujourd'hui, les dirigeants étrangers regardent avec «circonspection» un pays qui «semble obsédé» par les querelles «idéologiques».

«Connus pour leur solidité et leur pragmatisme, les Britanniques ont sombré dans la colère et le ressentiment», constate également l'éditorialiste du Financial Times Philip Stephens, estimant que le Brexit a «brisé la politique britannique».

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Theresa May