Des milliers de passagers et des centaines de camions, en particulier en partance vers la France, ont été bloqués mercredi en Catalogne par des piquets de grève indépendantistes, déclenchés pour protester contre l'incarcération de dirigeants séparatistes.

Commerces et entreprises n'ont en revanche pas été affectés par cet appel à la grève.

Pendant ce temps, à Bruxelles, la présence depuis dix jours du président catalan destitué par Madrid Carles Puigdemont a encore provoqué des remous, mettant dans l'embarras le gouvernement de Charles Michel.

En Catalogne (nord-est de l'Espagne) dès le petit matin, les indépendantistes répondant à l'appel à la grève d'une confédération syndicale et d'associations séparatistes ont bloqué des routes, des gares, des sites touristiques aux cris de «Liberté! Liberté!».

Les manifestants ont notamment bloqué le grand axe reliant la Catalogne à la France, l'autoroute AP-7, par où transitent une grande partie des exportations espagnoles vers l'Europe, près de 9000 camions par jour.

Les files d'attente se sont étendues sur six kilomètres sur l'AP-7, dans la province de Gérone, au nord de Barcelone.

Des «sandwiches, jus de fruits, de l'eau et des biscuits», ont été distribués aux chauffeurs coincés sur l'autoroute par la Croix-Rouge.

Les blocages par endroits bon enfant -- certains installant même des tables pour jouer aux échecs -- ont aussi provoqué des tensions entre usagers et grévistes.

Les perturbations ont particulièrement touché les trains à grande vitesse reliant Barcelone à la France, huit par jour, soit des milliers de personnes, interrompant la circulation vers Marseille, Lyon, Paris, selon la compagnie ferroviaire Renfe.

Au total, 150 000 passagers, dont 10 000 de trains à grande vitesse, ont été affectés par des annulations ou retards. Un peu avant 22h00 les manifestants qui bloquaient la station de Sants à Barcelone, ont fini par l'abandonner et la circulation a peu à peu repris, selon une porte-parole de Renfe. Les passagers voyageant vers la France avaient auparavant été réacheminés par des trains régionaux jusqu'à la frontière, au nord.

Sagrada Familia temporairement fermée

À Barcelone, la basilique Sagrada Familia, devant laquelle des dizaines de grévistes campaient à la mi-journée, a aussi été fermée pendant plusieurs heures.

Mais à la différence de la grève générale du 3 octobre, la majorité des commerces et entreprises de Barcelone et sa région ont fonctionné normalement. Les deux principaux syndicats espagnols, CCOO et UGT, n'avaient cette fois pas appelé à la grève.

Le ministère de l'Intérieur a qualifié la participation de «minimale», sauf dans l'enseignement où elle était suivie par environ 30% des enseignants.

Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a lui évoqué le risque d'«appauvrissement» de la région lié à l'incertitude ambiante, mauvaise pour les affaires.

Plus de 2000 entreprises ont déplacé leur siège social hors de Catalogne en un mois et le tourisme y montre d'importants signes de ralentissement.

Controverse en Belgique

À Madrid, sur le front judiciaire, la Cour constitutionnelle a annulé la déclaration unilatérale d'indépendance votée le 27 octobre par le parlement catalan.

Après cette déclaration, le gouvernement avait mis la région sous tutelle, dissous le parlement et destitué l'exécutif régional, convoquant des élections régionales le 21 décembre.

Carles Puigdemont, poursuivi par la justice espagnole pour rébellion et sédition, a quitté le pays pour la Belgique où la justice examine un mandat d'arrêt européen à la demande de l'Espagne.

Quatre membres de son gouvernement destitué l'ont accompagné dans son exil belge, huit autres ont choisi de répondre à une convocation judiciaire et ont été placés en détention provisoire après leur inculpation.

Les grévistes réclament leur libération, estimant que ce sont des «prisonniers politiques».

En Belgique le sort de Carles Puigdemont a aussi suscité des débats et l'embarras du gouvernement de Charles Michel, comptant des nationalistes flamands sensibles aux arguments des indépendantistes catalans.

«Il y a une crise politique en Espagne et pas en Belgique», a répondu le premier ministre aux députés.

Il a cependant réaffirmé que le gouvernement espagnol était son seul interlocuteur. Mariano Rajoy l'en a remercié sur Twitter, assurant partager avec lui le «respect pour l'État de droit et donc pour l'indépendance des juges belges et espagnols».

Lors des dernières élections régionales en 2015, les partis indépendantistes avaient obtenu 47,8% des suffrages et 72 sièges sur 135 au parlement régional.

Dans une interview à la télévision publique flamande VRT diffusée dans la soirée, Carles Puigdemont s'est à nouveau dit disposé à diriger «un grand rassemblement de différentes sensibilités» indépendantistes, estimant qu'il «y avait d'autres alternatives» à la liste commune rejetée par ses anciens alliés de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC).