Carles Puigdemont, visé par une procédure judiciaire en Espagne, va-t-il s'installer en Belgique ? En tant que ressortissant de l'UE il a le droit d'y rester trois mois, délai théorique au-delà duquel il est censé déposer une demande de séjour motivée.

Arrivé lundi à Bruxelles, le président catalan destitué a affirmé mardi y être par souci de «liberté et sécurité», sans intention de déposer une demande d'asile.

Combien de temps peut-il rester ?

Tout ressortissant d'un autre pays de l'UE peut résider 90 jours en Belgique sans être inquiété. Au-delà, il s'expose à l'illégalité, à moins d'introduire une demande de séjour motivée par un travail, un regroupement familial ou des moyens financiers suffisants lui permettant de ne pas travailler.

Mais c'est la théorie. En pratique, «s'il quitte le territoire national avant les 90 jours, le citoyen de l'UE peut à nouveau bénéficier d'un séjour de trois mois», explique à l'AFP Dominique Ernould, porte-parole de l'Office des étrangers.

Carles Puigdemont a lui-même évoqué mardi le principe de «libre circulation» dont peuvent bénéficier les citoyens dans l'UE.

Peut-il demander l'asile ?

Les citoyens de l'UE peuvent formuler une demande dans un autre État membre. Ils bénéficient dans ce cas d'une procédure accélérée.

Mais si le leader catalan devait finalement réclamer l'asile, celle-ci aurait peu de chances d'aboutir, selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA).

«Depuis cinq ans, aucun ressortissant de l'UE n'a obtenu l'asile en Belgique», assure Damien Dermaux, porte-parole du CGRA. «En Belgique, on examine ces demandes, on témoigne d'une certaine souplesse, mais on reste sur le principe qu'il s'agit de demandes manifestement non fondées, car venant de pays tiers sûrs.»

Et si Madrid lance un mandat d'arrêt européen ?

C'est sans doute pour se préparer à cette éventualité que M. Puigdemont a rencontré lundi un avocat belge réputé, Me Paul Bekaert. «Sachant qu'il pourrait être poursuivi pour rébellion, c'est une sage décision de prendre un avocat», a déclaré ce dernier.

En Espagne, le procureur général a requis des poursuites pour «rébellion», «sédition» et «malversations» contre lui et les membres du gouvernement catalan destitués. Le délit de rébellion peut valoir jusqu'à trente ans de prison.

La décision de délivrer un mandat d'arrêt relève de la juge qui pourrait inculper les responsables catalans dans les heures à venir.

Si ce mandat est lancé, «il n'y aurait pas beaucoup d'opportunités pour la Belgique de le refuser», fait valoir Me Maxime Chomé, avocat à Bruxelles.

La demande doit concerner le suspect d'une infraction pouvant entraîner «une peine d'au moins trois ans de prison», explique-t-il, ce qui est le cas en l'espèce.

Les voies de recours existent, si l'intéressé refuse son extradition, mais n'aboutissent qu'«extrêmement rarement», selon ce pénaliste.

«L'idée de base, avec le mandat d'arrêt européen, c'est qu'on a confiance dans les droits fondamentaux du pays émetteur. Avec l'Espagne on n'est pas dans le cas d'un pays qui pratique la torture», poursuit Me Chomé.

Quelle implication pour la Belgique ?

La présence de Carles Puigdemont sur le sol belge pourrait faire durer les tensions apparues il y a un mois entre la Belgique et l'Espagne, partenaires dans l'UE comme dans l'OTAN.

Le 1er octobre, jour du référendum d'autodétermination interdit en Catalogne, marqué par des violences, le premier ministre belge Charles Michel avait été un des rares dirigeants européens à les condamner.

Il faut dire que les nationalistes flamands de la N-VA, piliers de la coalition au pouvoir depuis 2014, sont très sensibles à cette cause régionaliste.

Une de leurs figures emblématiques, le secrétaire d'État Theo Francken, a jugé dimanche «pas irréaliste» que Carles Puigdemont formule une demande d'asile en Belgique, et laissé entendre que son pays lui réserverait le meilleur traitement.

M. Puigdemont «sera traité comme n'importe quel citoyen européen», disposant «des mêmes droits et devoirs (...) ni plus ni moins», a rectifié mardi Charles Michel.