Dans la fièvre indépendantiste, des «comités de défense du référendum» ont surgi un peu partout en Catalogne, prêts à descendre dans la rue contre le gouvernement espagnol... ou contre les dirigeants séparatistes s'ils faisaient marche arrière.

Lorsque des enseignants, des étudiants ou des parents se sont mobilisés pour défendre les bureaux de vote lors du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre dans cette région espagnole, l'évidence a sauté aux yeux: un mouvement populaire s'est formé et il est plutôt bien organisé.

Beaucoup de militants se réclament des «comités de défense du référendum», ou CDR, qui ont fleuri partout en Catalogne, dans les villages et les grandes villes comme Barcelone. Montés un mois avant le référendum, ces collectifs de voisins ont reçu l'appui de militants séparatistes rompus à l'action politique. Consigne suprême: empêcher par tous les moyens la police de fermer les bureaux de vote et faire en sorte que le référendum ait bien lieu.

Il a eu lieu, remporté avec 90% des voix selon les indépendantistes, mais les CDR ne se sont pas rangés pour autant.

Au contraire, ils sont prêts à se faire entendre dans la rue pour protester contre le gouvernement espagnol ou mettre la pression sur le dirigeant séparatiste catalan Carles Puigdemont, s'il recule.

Un message envoyé sur Telegram, l'application de messagerie cryptée dont raffolent les indépendantistes dit: «nous devons nous mobiliser pour demander la proclamation de la République indépendante de Catalogne et/ou la défendre une fois que ce sera chose faite».

«Nous sommes gonflés à bloc. Et je pense que ça peut même faire peur au gouvernement catalan», confirme Julia Coll, membre d'un CDR du quartier de l'Eixample à Barcelone.

«Trahison»

Madrid a donné jusqu'à lundi matin à M. Puigdemont pour dire si sa déclaration de la semaine dernière était, oui ou non, une proclamation d'indépendance. Dans l'affirmative, le gouvernement espagnol a annoncé qu'il prendrait les mesures nécessaires pour prendre le contrôle de la Catalogne.

Quoique fasse M. Puigdemont, il est probable que des manifestations auront lieu la semaine prochaine en Catalogne. Le parti d'extrême gauche CUP, l'influente association indépendantiste Assemblée nationale catalane (ANC) et différents mouvements étudiants ont déjà appelé à l'action.

Il est difficile de mesurer combien de personnes les CDR sont capables de mobiliser. Samedi, lors de leur première réunion au niveau régional dans la ville de Sabadell, des représentants de plus de 90 comités à travers la Catalogne étaient présents. Et leur ancrage local est fort.

«Des réunions ont été organisées dans les quartiers pour voir quel rôle les citoyens pouvaient jouer le jour du vote», explique un des participants, Gerard Munoz. À Barcelone, ajoute-t-il, les CDR, dont le nom rappelle les Comités de défense de la révolution cubaine, qui permettent au parti communiste d'encadrer les quartiers, ont été animés essentiellement par des activistes très politisés de l'extrême gauche locale.

Beaucoup sont issus de la CUP, notamment du courant Endavant, et des Arran, des jeunes radicaux liés au parti qui ont organisé des manifestations contre le tourisme cet été et ont hurlé à la «trahison» mardi lorsque M. Puigdemont a suspendu sa déclaration d'indépendance.

«Vous ruinez la Catalogne»

Ailleurs, des citoyens se sont organisés eux-mêmes, ajoute Gerard Munoz.

Au fil des jours, les troupes ont gonflé et à l'approche du référendum les comités ont appelé des associations de parents d'élèves pour leur demander de les aider à occuper les écoles qui devaient servir de bureaux de vote.

Certaines associations ont accepté, organisant des veillées ou des tournois sans fin de volley-ball pour empêcher la police de fermer les établissements.

Selon David Carmona, 29 ans, issu du CDR de Sant Andreu, un autre quartier de Barcelone, au moins un militant expérimenté était présent dans chaque bureau de vote pour expliquer aux autres «comment agir et comment se défendre au cas où la police arrive». Et la police est arrivée, intervenant dans certains endroits avec violence, blessant notamment grièvement un homme à l'oeil.

Au CDR de Sant Andreu, lors d'une réunion samedi, certains réfléchissaient déjà à changer l'appellation de leur mouvement en «comités pour la défense de la République» ou comment augmenter la pression économique sur Madrid.

Mais la population est profondément divisée sur la question de l'indépendance. «Vous êtes en train de ruiner la Catalogne», leur a crié un passant, ulcéré.