Quelque 65 000 personnes ont défilé jeudi à Barcelone en faveur de l'unité du pays menacée par la crise catalane, alors que la fête nationale espagnole était endeuillée par la mort d'un pilote dans l'écrasement d'un avion de combat.

Le premier ministre Mariano Rajoy et le roi Felipe VI ont assisté à la traditionnelle parade militaire le long du boulevard du Paseo de la Castellana à Madrid pour commémorer l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique en 1492.

Comme d'habitude, les présidents des régions de Catalogne, du Pays basque et de Navarre étaient absents, alors que pour la première fois depuis 30 ans, la police nationale était conviée à défiler, pour reconnaître son rôle après les attentats jihadistes meurtriers du mois d'août en Catalogne.

Moins de deux semaines après avoir été accusée d'être intervenue trop durement lors du référendum d'autodétermination, les policiers ont été particulièrement applaudis, par une foule nombreuse agitant le drapeau espagnol avec passion.

Mais l'humeur n'est pas franchement à la fête en Espagne, confrontée à sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie en 1977, avec la volonté de divorce des indépendantistes au pouvoir en Catalogne.

D'autant que la journée a été endeuillée par la mort d'un pilote dans l'accident de son Eurofighter, qui avait participé au défilé aérien de la fête nationale. L'avion de combat s'est écrasé dans un champ pendant sa manoeuvre d'approche à l'atterrissage à la base aérienne de Los Llanos, à 300 km au sud-est de la capitale.

M. Rajoy s'est rendu sur place.

«En prison»

Au même moment, ils étaient 65 000, selon la police municipale, à défiler dans les rues de Barcelone en scandant des messages hostiles aux dirigeants indépendantistes.

«Puigdemont en prison» criaient les manifestants en référence au président régional Carles Puigdemont, qui a organisé le dimanche 1er octobre un référendum d'autodétermination en dépit de l'opposition de Madrid, et entend rendre indépendante cette région de 7,5 millions d'habitants, divisée sur la sécession.

Mercredi, Madrid a lancé un ultimatum au président séparatiste, lui donnant jusqu'à lundi 10h00 (04h00 heure de l'Est) pour «clarifier» sa position sur l'indépendance.

Si M. Puigdemont persiste, le gouvernement lui accordera un délai supplémentaire jusqu'au jeudi 19 octobre à 10H00 pour faire machine arrière, avant de prendre le contrôle de la Catalogne comme le lui permet l'article 155 de la Constitution.

La suspension de l'autonomie serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront. Elle pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture et qui avait récupéré son autonomie après la mort du dictateur Francisco Franco (1939-1975).

Jeudi, les opposants à l'indépendance ont souhaité montrer que «la Catalogne n'appartient pas» aux séparatistes, selon les mots de Laura Peña, employée de 26 ans dans une boutique de vêtements, qui défilait à Barcelone.

En marge de la manifestation, des militants d'extrême droite ont brûlé le drapeau séparatiste catalan. Une bataille de rue a par ailleurs opposé deux groupes de supporters de football dans le centre-ville, selon la police catalane.

À Madrid aussi, on en voulait à M. Puigdemont. «Il devrait aller en prison pour ce qu'il essaie de faire. Pour moi, c'est comme un coup d'État et le gouvernement devrait être encore plus dur», a déclaré Pedro Garcia, un étudiant de 22 ans.

«Prudence et proportionnalité»

La tension entre les deux camps monte depuis l'organisation du référendum interdit par la justice, émaillé de violences policières, que les séparatistes disent avoir remporté avec 90% des voix et une participation de 43%.

M. Puigdemont a déclaré mardi soir devant le Parlement régional avoir reçu un «mandat des citoyens de Catalogne» pour déclarer unilatéralement l'indépendance.

Le leader séparatiste a suspendu la déclaration pour laisser une chance au dialogue et à une médiation qu'il appelle de ses voeux.

«Il n'y a pas de médiation possible entre la loi démocratique et la désobéissance, l'illégalité», a répondu M. Rajoy, qui a reçu le soutien du Parti socialiste, principal parti d'opposition, avant d'enclencher l'article 155 de la Constitution.

L'action de l'État sera «guidée par la prudence et la proportionnalité», a assuré jeudi le ministre des Affaires étrangères Alfonso Dastis. «J'ai la conviction quasi totale que l'intervention des forces armées ne sera pas nécessaire», a ajouté la ministre de la Défense Maria Dolores de Cospedal.

Madrid a déjà pris en septembre une mesure exceptionnelle en mettant sous tutelle les finances de la Catalogne, et de nombreuses entreprises, inquiètes de l'insécurité juridique, ont déménagé leurs sièges sociaux hors de la région.