Le gouvernement conservateur britannique présente jeudi un projet de loi pharaonique visant à abroger l'acte d'adhésion du Royaume-Uni au droit communautaire européen dont l'examen au Parlement, où il a perdu la majorité absolue aux dernières législatives, lui promet bien des nuits blanches.

Ce texte, qui sera rendu public en fin de matinée, vise à abroger «l'European Communities Act» de 1972 qui avait incorporé les traités communautaires dans le droit national britannique.

Connu sous le nom de Projet de loi d'abrogation (Repeal Bill), il doit également permettre de transposer une grande partie des lois européennes dans le droit britannique, une tâche titanesque étant donné les milliers de dispositions différentes existantes.

Concrètement, il est destiné à permettre au Royaume-Uni de continuer à fonctionner normalement lorsqu'il aura effectivement coupé le cordon avec l'Union européenne, soit fin mars 2019 théoriquement, à l'issue du processus de négociation avec Bruxelles.

Cela «nous permettra de quitter l'Union européenne avec le maximum de certitudes, de continuité et de contrôle», a souligné dans un communiqué le ministre chargé du Brexit, David Davis.

Le Projet de loi d'abrogation constitue «l'un des plus importants textes législatifs» de l'histoire du Parlement britannique et «une étape majeure dans le processus de sortie de l'Union européenne», a-t-il insisté.

Mais ce projet de loi, qui devrait être soumis à l'automne au vote, risque de faire l'objet de débats acharnés, cristallisant les divergences sur l'orientation à donner au Brexit.

L'opposition travailliste a déjà prévenu qu'elle ne voterait pas le texte en l'état et demandé au gouvernement des garanties sur la sortie de l'UE, notamment sur la protection des droits des travailleurs.

«Nous avons de gros problèmes avec l'approche du gouvernement (sur le Brexit) et à moins que le gouvernement n'y réponde, nous ne soutiendrons pas le projet de loi», a déclaré dans le Guardian le responsable Brexit du Labour, Keir Starmer.

Le Labour a également mis en garde contre une utilisation extensive des «Pouvoirs d'Henry VIII», une disposition qui permet au gouvernement de modifier une loi en s'exonérant du plein contrôle du Parlement.

«Ça va être l'enfer»

Même son de cloche chez les centristes europhiles du Parti libéral-démocrate, qui n'entendent pas laisser les coudées franches aux conservateurs. «Pas la peine de se faire d'illusions. Ça va être l'enfer», a déclaré Tim Farron, le chef sur le départ du parti.

Anticipant ces difficultés, David Davis a appelé les parlementaires à travailler «ensemble, dans l'intérêt national» pour «faire en sorte d'avoir un corpus législatif qui fonctionne le jour où nous quitterons l'Union européenne».

C'est que le gouvernement se retrouve dans une position délicate pour présenter ce projet de loi : après la perte de la majorité absolue aux législatives du 8 juin, Theresa May est en effet à la merci d'une fronde parlementaire.

Malgré tout, la première ministre a signifié qu'elle n'avait pas l'intention de quitter le navire Downing Street.

«Il y a un travail à faire au cours des prochaines années (...) Je veux continuer à faire ce travail», a-t-elle déclaré dans le Sun, à l'occasion d'une série d'interviews accordées pour son premier anniversaire, jeudi, à la tête du gouvernement.

Parfois critiquée pour son manque d'empathie, Theresa May a tenté de montrer un visage plus humain en confiant, sur la BBC, avoir versé «une petite larme» en réalisant l'ampleur de son revers au scrutin de juin.

Le gouvernement a par ailleurs rendu publics jeudi des documents précisant sa position sur deux sujets clefs avant un nouveau cycle de négociations prévu pour la semaine prochaine avec l'UE.

Sur l'Euratom, il assure vouloir travailler «étroitement» avec ses partenaires pour préparer non seulement sa sortie de la Communauté européenne de l'énergie atomique, mais aussi une «future relation» avec ceux qui seront ses ex-partenaires.

Enfin, sur la Cour européenne de justice (CEJ), le Royaume-Uni réaffirme qu'elle ne sera plus compétente une fois qu'il aura effectivement quitté l'UE.