L'État néerlandais a été reconnu partiellement responsable mardi du décès de 350 musulmans lors du massacre de Srebrenica en 1995 en Bosnie et va devoir verser des compensations financières pour les dommages subis par les familles des victimes, toujours meurtries.

«L'État néerlandais a agi illégalement» et doit «verser une compensation partielle» aux familles des victimes, a déclaré la juge Gepke Dulek en rendant mardi le jugement de la Cour d'appel de La Haye.

Ce moment était très attendu par les familles de victimes présentes au moment de l'annonce de la décision de justice, nouvel épisode dans ce qui reste une des pages les plus noires de l'histoire des Pays-Bas, mais aussi de la guerre de Bosnie (1992-1995).

L'enclave de Srebrenica, limitrophe de la Serbie, était placée sous la protection de l'ONU lorsqu'elle a été prise le 11 juillet 1995 par les forces serbes de Bosnie.

Au cours de l'évacuation de Srebrenica, les Casques bleus néerlandais ont «facilité la séparation des hommes et des garçons musulmans tout en sachant qu'il y avait un risque réel qu'ils subissent un traitement inhumain, ou qu'ils soient exécutés par les Serbes de Bosnie», a déclaré la juge Dulek.

Selon l'avocat des familles des victimes, Marco Gerritsen, cette décision de justice est une «claque juridique» pour l'État néerlandais. L'avocat a cependant regretté que la compensation financière ne soit que partielle : «Il aurait pu y avoir plus».

Colère des Mères de Srebrenica 

Bien que la Cour d'appel ait reconnu la responsabilité de l'État néerlandais dans le massacre de 350 Musulmans, au vu de faits spécifiques qui ont eu lieu lors de l'évacuation de l'enclave, elle a débouté l'association des Mères de Srebrenica.

Ces femmes réclamaient des dommages et intérêts pour le massacre d'environ 8000 hommes et garçons musulmans lors du génocide de Srebrenica, dans le nord-est de la Bosnie, théâtre des pires atrocités commises en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

La présidente de l'association des Mères de Srebrenica, Munira Subasic, a qualifié le verdict de «discriminatoire» envers les victimes musulmanes au micro de Radio Free Europe. Mais les mères ont «traîné en justice» les Casques bleus néerlandais et «une forme de responsabilité a été établie».

Connues sous le nom de «Dutchbat» et retranchées dans leur base, les forces néerlandaises avaient recueilli des milliers de réfugiés dans l'enclave des Nations unies.

Mais, submergées, elles avaient d'abord fermé les portes aux nouveaux arrivants, puis permis aux Serbes de Bosnie d'évacuer les réfugiés. Les hommes et les garçons avaient alors été séparés et mis dans des bus.

«Le Dutchbat aurait dû prévenir ces hommes des risques qu'ils couraient et aurait dû leur laisser le choix de rester dans l'enclave pendant que leur famille était évacuée», a poursuivi la juge.

«Mission irréaliste»

Mais la Cour d'appel a condamné l'État néerlandais à verser seulement 30% des dommages et intérêts réclamés par les familles des victimes car elle «n'est pas certaine que ces personnes n'auraient pas été tuées plus tard même si elles étaient restées dans l'enclave.»

Une juridiction inférieure avait déjà statué en 2014 en décidant que l'État néerlandais était responsable du décès de 350 hommes et garçons bosniaques. L'État néerlandais avait fait appel, arguant que personne n'aurait pu prévoir un génocide.

Les familles des victimes et l'État néerlandais ont tous encore la possibilité de saisir la Cour suprême.

«Ce qui est clair c'est que les vrais auteurs de ce qui s'est passé à Srebrenica sont les Serbes de Bosnie, et pas le Dutchbat», a réagi Klaas Meijer, porte-parole du ministère de la Défense.

Il a déclaré que le gouvernement étudierait le jugement «très soigneusement» avant de se prononcer sur la possibilité de faire appel, car «il pourrait y avoir des conséquences sur d'autres opérations». Les forces néerlandaises sont actuellement déployées au Mali, en Afghanistan et en Irak.

Aux Pays-Bas, le rôle des anciens Casques bleus néerlandais continue de susciter la controverse.

À leur tour, plus de 200 d'entre eux demandent également des dommages et intérêts au gouvernement pour les avoir envoyés à Srebrenica remplir «une mission irréaliste, dans des circonstances impossibles», selon les propos prononcés l'an dernier par Jeanine Hennis-Plasschaert, ministre de la Défense.

«Mes clients réclament une compensation de 22 000 euros chacun», a déclaré leur avocat lundi soir. Au total, les dommages s'élèveraient à environ 4,5 millions d'euros.

AP

Une femme pleure sur la tombe d'un proche dans le cimetière commémoratif qui a été construit à l'entrée de la ville de Srebrenica.