Blancs, Noirs, juifs, chrétiens, musulmans, Britanniques, immigrés, en short ou en djellaba : tous sont venus lundi rendre hommage aux victimes de l'attaque contre des musulmans à Finsbury Park. Plus que jamais soudés face à cette tentative, disent-ils, de semer la division.

C'est un quartier populaire du nord de Londres, proche du stade de l'équipe de soccer d'Arsenal dont on peut voir de grandes affiches placardées le long des voies ferrées de la station de métro.

L'endroit a longtemps traîné une mauvaise réputation en raison d'une criminalité élevée, d'une mosquée un temps le repaire de radicaux, avant de se transformer, et d'attirer des classes plus aisées.

Ses habitants forment aujourd'hui une communauté multiethnique, multiculturelle et multicultuelle. Dans ses rues bordées de bâtiments fatigués en briques rouges, de boutiques bon marché, de restaurants moyen-orientaux et de cafés, les femmes portent aussi bien la minijupe que le niqab.

Près de la mosquée du quartier, où s'est produite dans la nuit l'attaque qualifiée de « terroriste » par la police, il ne se passe pas cinq minutes sans que quelqu'un ne vienne déposer un bouquet de fleurs. Sur l'un d'eux on peut lire le message « On ne nous divisera pas », devenu le leitmotiv des habitants.

Une école a même confectionné une grande pancarte « Une seule communauté, rassemblée », écrite en lettres capitales aux couleurs de l'arc-en-ciel.

Plusieurs organisations musulmanes ont dénoncé un acte « islamophobe » visant « intentionnellement » les fidèles qui sortaient de la mosquée.

« Ici, tout le monde s'aime »

Tinkerbell McDonagh est venue avec son petit garçon, qui a déposé devant la porte de la mosquée, un bâtiment de trois niveaux avec un minaret orné d'un croissant doré, un petit éléphant en peluche portant entre ses pattes un gros coeur rouge.

Ébranlée, la jeune femme, vêtue d'une légère robe printanière, s'inquiète pour le sort d'un ami qu'elle n'arrive pas à joindre depuis l'attaque.

Plusieurs heures après le drame, elle ne parvient toujours pas à comprendre comment, dans ce quartier dont elle chérit la diversité, un homme a pu vouloir « tuer tous les musulmans », comme le rapporte un témoin sur la BBC.

« Ici, tout le monde s'aime, tout le monde s'entraide », dit Tinkerbell sans parvenir à retenir ses larmes, qu'elle essuie pudiquement en passant une main sur son visage. « Il y a beaucoup de musulmans. Nous vivons tous en paix et en harmonie ».

« Ça ne changera rien »

Mais l'émotion laisse rapidement place à la colère. « Ce n'est pas humain de faire un truc pareil », s'emporte-t-elle en s'en prenant à la première ministre Theresa May, incapable à ses yeux d'empêcher de telles attaques.

« Elle ne sert à rien. Elle n'a pas l'étoffe d'un premier ministre, et elle ne l'aura jamais », lâche-t-elle en rappelant les critiques qui ont visé la dirigeante, accusée d'avoir tardé à rendre visite aux sinistrés du terrible incendie de la tour Grenfell, la semaine dernière à Londres.

Mendy Korer, le rabbin d'une synagogue locale, souligne aussi les bonnes relations entretenues entre les différentes communautés. « Nous vivons ensemble, il appartient à chacun d'entre nous de rompre ce cycle. Nous ne pourrons pas régler les problèmes du monde, mais nous devons régler ceux de notre quartier », souligne-t-il.

Devant la mosquée, les fleurs s'accumulent, sous une chaleur écrasante. Un groupe de femmes voilées pleurent à proximité. Un vieil homme en fauteuil roulant crie sa rage et son incompréhension.

« C'est horrible », glisse un jeune homme, Marc, les larmes aux yeux, en remontant sur son vélo après avoir déposé un bouquet. « Tout le monde est en colère et il y a une toute petite proportion de gens qui sont suffisamment fous pour y céder », ajoute-t-il.

Wilson Sawane, un Sénégalais de 29 ans, n'a rien apporté de spécial. Il est juste venu, avec son 1,95 mètre, par solidarité. Parce que Finsbury Park est son quartier. Et parce que les victimes de l'attaque auraient pu être ses amis.

« Pfff, c'est écoeurant », soupire-t-il. « Mais ça ne changera rien » à la vie du quartier. « Demain, sur le terrain de soccer, il y aura toujours des Blancs, des Noirs et des Arabes. C'est comme ça ici ».