Les recherches se poursuivaient jeudi pour tenter de retrouver les victimes de l'incendie qui a ravagé dans la nuit de mardi à mercredi une tour de logements sociaux à Londres, faisant au moins 12 morts, selon un bilan qui risque fort de s'aggraver.

Dans un communiqué sur Facebook, le maire de Londres, Sadiq Khan, a fait part de ses craintes à propos du bilan des 12 morts: «Un chiffre dont je crains qu'il n'augmente», at-il dit mercredi soir.

Les résidents ont mis en cause une gestion jugée très déficiente et l'enquête sur l'origine de l'incendie devrait ouvrir des pistes permettant d'établir les éventuelles responsabilités.

Des 78 personnes hospitalisées, 18 étaient dans un état critique, et de nombreuses personnes restaient portées disparues, laissant craindre un bilan beaucoup plus lourd.

«Une opération de recherche complexe sur plusieurs jours» s'engage désormais, selon Stuart Cundy, commandant à la Metropolitan Police, qui ne s'attendait pas à trouver d'autres survivants.

«J'ai entendu crier de partout et vu des gens sauter de leur fenêtre. La tour était complètement en feu. C'était l'horreur», a raconté Khadejah Miller, qui habite un immeuble voisin et a été évacuée par précaution.

D'autres témoins ont vu des parents jeter leurs enfants par la fenêtre pour tenter, dans un geste désespéré, de les sauver du brasier qui ravageait cette tour comportant 120 appartements sur 24 étages, près du quartier chic de Notting Hill, dans l'ouest de Londres.

La façade de la tour Grenfell, datant de 1974, était presque complètement calcinée mercredi après-midi. Alors que quelques flammes étaient encore visibles à la mi-journée, la cheffe des pompiers de Londres Dany Cotton, qui a reconnu n'avoir «jamais vu quelque chose d'une telle envergure», a écarté la possibilité d'un effondrement de l'immeuble. Des ingénieurs inspectaient la structure.

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Les pompiers ont progressé jusqu'au 20e étage et ont «réussi à évacuer un grand nombre de résidents.

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Le commandant Dan Daly, de la London Fire Brigade, a souligné que «les pompiers équipés d'appareils respiratoires travaillent extrêmement dur dans des conditions très difficiles pour maîtriser cet incendie».

Immeuble à risques 

L'origine du sinistre restait inconnue mais la colère montait parmi les résidents qui pointaient des défaillances à répétition.

«90% des résidents ont signé une pétition fin 2015 se plaignant de la mauvaise gestion de l'entreprise responsable de la maintenance de l'immeuble», a souligné David Collins, président de l'association des résidents de la tour jusqu'en octobre dernier.

«J'ai entendu que certaines alarmes incendie n'ont pas fonctionné, ça ne m'étonne pas. Je suis sous le choc, effondré, mais pas surpris», a-t-il dit.

David Collins a également pointé la responsabilité de la municipalité du quartier de Kensington et Chelsea, affirmant qu'une enquête indépendante lui avait été, en vain, demandée par l'association.

Des documents en ligne datant d'un an environ montrent qu'un collectif de résidents s'était plaint à plusieurs reprises de l'état de l'immeuble et des risques d'incendie potentiels, évoquant notamment des problèmes d'éclairage et de sortie de secours.

L'organisme public KCTMO (Kensington & Chelsea Tennant Management Organisation), gestionnaire de la tour, a reconnu dans un communiqué «être au courant des préoccupations soulevées de longue date par des résidents». «Il est trop tôt pour spéculer sur les causes de l'incendie», a-t-il ajouté.

Mandatée par la municipalité de Kensington et Chelsea, la société Rydon a expliqué avoir procédé à une «rénovation» de près de 10 millions d'euros de l'immeuble, qui «a passé tous les contrôles obligatoires en matière de normes incendie et de règles de sécurité».

Selon plusieurs résidents, ces travaux ont cependant pu jouer un rôle dans la propagation du feu, extrêmement rapide.

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Les flammes sévissaient du deuxième au dernier étage.

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Des témoins et rescapés ont raconté avoir vu des habitants sauter dans le vide pour échapper aux flammes qui ravageaient cette tour de 120 appartements sur 27 étages. Un homme a également été aperçu agitant un linge blanc par la fenêtre. Le feu s'est propagé extrêmement vite.

Revêtement en cause 

Salah Chebiouni, 45 ans, qui a réussi à sortir de l'immeuble à temps, a déclaré que cela sentait «le plastique brûlé» et déploré une rénovation à bas coûts: «Ca ressemblait à du métal. Je pensais qu'ils avaient fait quelque chose de bien. En fait, c'était du plastique».

Pour le Dr Angus Law, spécialiste de la question à l'université d'Edimbourg, il semblerait que «la nature du revêtement extérieur soit grandement responsable de la rapidité avec lequel le feu s'est propagé».

Gavin Barwell, nouveau directeur de cabinet de la première ministre Theresa May et ancien ministre du logement, a été accusé par le tabloïd de gauche The Daily Mirror de s'être assis sur un rapport vieux de plusieurs années sur le risque d'incendie dans des immeubles tels que la tour Grenfell.

Le maire de Londres, Sadiq Khan, a appelé à ce que «des réponses» soient apportées tandis que le chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn estimait que les mesures d'austérité du gouvernement conservateur avaient leur part de responsabilité: «Si vous privez les autorités locales des financements dont elles ont besoin, c'est le prix à payer».

Mme May est «profondément attristée» par le drame et «tenue au courant des développements», a déclaré un porte-parole de Downing Street.

Plusieurs rescapés ont également dénoncé qu'on leur ait conseillé de rester confinés dans leur appartement pendant l'incendie. «Si on avait suivi ces conseils on serait morts», a déclaré Nicky Paramasivan à la BBC.

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Plusieurs rescapés ont déploré qu'on leur ait conseillé de rester confinés dans leur appartement. «Si on avait suivi ces conseils, on serait morts», a déclaré Nicky Paramasivan à la BBC.

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Des dizaines de résidents se sont retrouvés sur le trottoir, souvent en pyjama, certains essayant de contacter des proches bloqués dans la tour.

Les incendies d'immeuble les plus meurtriers depuis 15 ans

Rappel des incendies les plus meurtriers ayant touché des immeubles d'habitation dans le monde depuis quinze ans.

- 30 août 2015 : ARABIE SAOUDITE - Un incendie ravage à Khobar (est) un bâtiment résidentiel de six étages, faisant 10 morts et plus de 250 blessés. Le feu est provoqué par un court-circuit électrique.

- 19 mai 2015 : AZERBAIDJAN - Au moins 15 personnes périssent et plus d'une soixantaine sont blessées dans l'incendie d'un immeuble d'habitation de 15 étages dans le centre-ville de Bakou.

- 25 avril 2011 : CHINE - 18 morts et une vingtaine de blessés dans l'incendie d'un immeuble dans le district de Daxing (sud de Pékin), déclenché par un triporteur électrique garé au rez-de-chaussée qui a embrasé le bâtiment construit sans permis.

- 15 novembre 2010 : CHINE - Un incendie spectaculaire d'une tour d'habitation de 28 étages à Jingan, l'un des quartiers les plus peuplés et les plus commerçants de Shanghai (est) fait 58 morts. Le bâtiment était en cours de rénovation.

- 3 juin 2010 : BANGLADESH - Au moins 116 morts dans un gigantesque incendie qui ravage Kayettuli, l'un des quartiers les plus densément peuplés de Dacca. Le feu s'est propagé à des immeubles d'habitation de plusieurs étages.

- 14 fév 2009 : RUSSIE - Au moins 15 morts dans l'incendie d'un immeuble à Molodezhny, un village situé dans la région d'Astrakhan (sud).

- 30 juillet 2006 : BAHREIN - 16 Indiens périssent dans l'incendie de l'immeuble où ils logeaient à Manama. Le feu s'est déclaré dans le bâtiment de six étages qui abritait, dans des conditions précaires, quelque 300 travailleurs étrangers.

- 4 septembre 2005 : FRANCE - Un incendie ravage le hall d'entrée d'une tour HLM au sud-est de Paris, propageant une épaisse fumée toxique dans l'immeuble de 18 étages : 18 personnes périssent victimes d'intoxication et 28 sont blessées. Quatre jeunes filles reconnaissent avoir mis le feu à une boîte aux lettres pour des querelles d'adolescentes.

- 26 août 2005 : FRANCE - 17 morts, dont 14 enfants, et une trentaine de blessés dans l'incendie criminel qui embrase un immeuble vétuste du XIIIe arrondissement de Paris.

- 15 mai 2003 : ARABIE SAOUDITE - 14 personnes périssent et 27 autres sont blessées dans un incendie qui ravage une tour résidentielle à La Mecque (ouest). Le feu se déclare dans un dépôt de matelas au bas de l'immeuble.

- 31 août 2003 : TAIWAN - Une femme tente de s'immoler par le feu et provoque un incendie dans un immeuble de la banlieue de Taipei, faisant au moins 13 morts et 70 blessés.

- 1er mars 2002 : CHINE - 19 personnes sont tuées et 25 autres blessées dans un incendie qui ravage un immeuble à Nanchong, une ville de la province du Sichuan (sud-ouest). Le feu s'est déclenché dans un marché installé dans les trois premiers étages.