Après de vaines mises en garde, Bruxelles s'est résignée mardi à lancer des procédures d'infraction contre la Hongrie, la Pologne et la République tchèque, pour leur refus obstiné d'accueillir des demandeurs d'asile depuis l'Italie et la Grèce.

«Nous avons épuisé tous les moyens» avant d'en arriver là, s'est justifié Dimitris Avramopoulos, le commissaire européen aux migrations, lors d'une conférence de presse au Parlement européen à Strasbourg.

«J'espère que les trois gouvernements vont changer leur position», car «l'Europe, ce n'est pas seulement pour demander des financements», a-t-il insisté, les appelant une nouvelle fois à faire preuve de solidarité dans le partage du fardeau migratoire.

Ces procédures légales sont lancées après des mois de pression de la Commission sur ces trois pays, opposants déterminés aux «relocalisations» adoptées par l'UE en septembre 2015, pour soulager l'énorme pression pesant sur Rome et Athènes face à la crise migratoire.

L'UE avait décidé de répartir en deux ans 160 000 demandeurs d'asile depuis l'Italie et la Grèce --où plus d'un million de migrants ont débarqué lors de la seule année 2015-- vers le reste de l'Union, en partie en fonction de quotas contraignants fixés pour chaque pays.

Mais seulement un peu moins de 21 000 personnes ont été réparties à ce stade dans le cadre de ce plan, conçu comme une dérogation à la règle confiant la responsabilité des demandes d'asile aux pays de première entrée dans l'UE.

«Sanctions financières»

Censé incarner la solidarité européenne, l'échec de ce plan a plutôt illustré les divisions entre États membres, qui ne l'ont appliqué qu'au ralenti, voire l'ont ignoré, tandis que la plupart des migrants continuaient sans attendre leur route vers le nord de l'Europe.

Avec la Slovaquie, la Hongrie a même intenté une action devant la justice européenne, toujours en cours, pour contester ce plan européen.

Ces deux pays, ainsi que la Roumanie et la République tchèque, avaient voté contre, mais, minoritaires au sein de l'UE, ils se sont retrouvés contraints juridiquement de l'appliquer.

En prenant pour cibles Varsovie, Budapest et Prague, la Commission s'est concentrée sur les pays qui ont manifesté l'hostilité la plus forte.

Les deux premiers n'ont pas accueilli le moindre demandeur d'asile en presque deux ans, tandis que la République tchèque, qui en a accueilli douze, n'a pris aucun nouvel engagement d'accueil depuis mai 2016.

Les procédures d'infraction seront déclenchées formellement mercredi. Elles peuvent aboutir à une saisine de la Cour de justice de l'UE et, en dernier ressort, à de lourdes sanctions.

«Chantage»

«Le gouvernement considère qu'il s'agit de chantage», a répliqué le ministre des Affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, mardi avant même l'annonce officielle de la Commission.

Son homologue polonais, Witold Waszczykowski, avait lui aussi pris les devants mardi, assurant que son pays ne se sentait pas «menacé» par d'éventuelles sanctions, qualifiées d'«illégales».

«Les quotas ne fonctionnent pas, ils encouragent l'immigration illégale et ont diminué la confiance des citoyens dans l'UE», a quant à lui réagi le premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, sur le réseau Twitter.

Le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, s'est dit de son côté déçu par les Européens.

«Si l'Europe, une union de pays riches, n'est pas capable de partager cette responsabilité, comment pouvons-nous dire au reste du monde qu'il doit accueillir des réfugiés ?», a-t-il déclaré devant la presse à Barcelone.

Outre les réticences des États membres, les «relocalisations» ont également souffert de critères d'éligibilité restrictifs en termes de nationalité. Les demandeurs concernés doivent avoir la quasi-certitude d'obtenir l'asile après leur transfert.

C'est le cas des Syriens et des Érythréens, mais les Irakiens ont quant à eux été exclus des «relocalisations» et ne peuvent donc plus en être bénéficiaires.

Au-delà des questions migratoires, les procédures lancées mardi par la Commission interviennent sur fond de défiance entre les pays visés et les institutions européennes.

La Hongrie fait déjà l'objet d'une procédure d'infraction pour sa récente loi sur les universités, qui menace de fermeture un établissement financé par le milliardaire américain libéral George Soros, bête noire du premier ministre Viktor Orban.

Quant à la Pologne, elle a également rejeté toutes les demandes de la Commission de revenir sur ses réformes controversées de la justice constitutionnelle polonaise.