Le fiasco électoral enregistré jeudi par la première ministre britannique Theresa May pourrait rebattre les cartes en ce qui concerne la sortie de l'UE du Royaume-Uni, les tenants d'un Brexit «doux» espérant désormais l'emporter sur le Brexit «dur» qui semblait jusque-là prévaloir au sein du gouvernement.

«May a perdu son autorité concernant le Brexit et tout le reste. Toutes les options sont à nouveau sur la table», juge Stephen Barber, un expert de la London South Bank University, interrogé par l'AFP.

Dans le scénario d'un Brexit «dur», le Royaume-Uni quitterait le marché unique européen, fermerait ses portes à l'immigration européenne et sortirait de la Cour de justice européenne. Mme May se réservait aussi la possibilité de quitter l'UE «sans accord plutôt qu'un mauvais accord».

Les avocats d'un Brexit «doux» souhaitent quant à eux le maintien d'un accès au marché unique et ne veulent pas entendre parler d'une sortie sans accord.

Le réveil du Brexit «doux»

À peine le résultat des élections tombé, le ministre des Finances Philip Hammond, en faveur de l'UE par pragmatisme économique, a appelé Mme May à penser aux «emplois d'abord», selon les médias britanniques.

La dirigeante du parti conservateur écossais Ruth Davidson, qui a obtenu 13 précieux sièges aux législatives de jeudi, veut aussi que Mme May envisage le Brexit autrement. «J'ai toujours dit que je préférais un Brexit ouvert à un Brexit fermé», a-t-elle déclaré samedi, l'Écosse ayant voté à 62% pour rester dans l'UE.

Le Parti démocrate unioniste (DUP) d'Irlande du Nord pourrait aussi se révéler stratégique dans l'équation Brexit puisque c'est avec lui, et ses dix députés, que Mme May tente de faire alliance pour obtenir la majorité absolue au Parlement de Westminster.

Or s'il est pour la sortie de l'UE, le DUP reste attaché, comme nombre de Nord-Irlandais, à l'absence de frontières entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. Et sa dirigeante Arlene Foster a clamé haut et fort dans la presse : «personne ne veut d'un Brexit dur».

Par conséquent, pour le directeur général du géant de la publicité WPP, Martin Sorrell, cité par le quotidien économique gratuit City A.M., le résultat de ces élections a «paradoxalement» renforcé les chances d'avoir un Brexit «doux».

Un point de vue partagé par nombre d'analystes qui estiment que les électeurs n'ont pas apporté leur soutien à Mme May en vue d'un Brexit «dur».

Le Brexit «dur» fait de la résistance

Theresa May n'a, pour le moment, donné aucun signe d'éventuel adoucissement de sa stratégie sur la sortie de l'UE.

Lundi, le ministre chargé du Brexit, David Davis a rejeté l'idée selon laquelle la contre-performance des conservateurs aux législatives de jeudi pourrait contraindre le gouvernement à revoir sa copie.

Sortir de l'Europe, a-t-il expliqué, «nous entraîne en dehors du marché unique, que cela nous plaise ou nous».

M. Davis «a dit que nous avions clairement exposé nos positions et qu'il n'y avait aucun changement», a souligné un porte-parole de Theresa May.

L'entrée de Michael Gove au gouvernement plaide aussi en faveur du maintien de cette ligne. Le nouveau ministre de l'Environnement avait été l'un des principaux artisans de la campagne du Brexit, avant d'être écarté en raison de rivalités internes.

Pour Stephen Barber, un expert de la London South Bank University, son retour permettra à Theresa May de «montrer à l'aile droite (du parti) qu'elle est toujours déterminée à mener à bien le Brexit», tout en calmant les ardeurs de ce concurrent potentiel, connu pour son ambition, au poste de premier ministre.

Daniel Vernazza, chef économiste Royaume-Uni de la banque UniCredit, estime quant à lui que les tenants du Brexit «dur» au sein des conservateurs sont «mieux organisés» et «vont prendre (Theresa May) en otage».

Pour l'éditorialiste du Financial Times Wolfgang Munchaü, «le degré de dureté ou de douceur du Brexit ne dépend pas unilatéralement des électeurs britanniques» mais aussi de la position des 27 autres membres de l'UE.