Le ministre lituanien de la Défense veut alerter l'Amérique que des grandes manoeuvres russes prévues en septembre pourraient en fait camoufler un stationnement permanent de troupes sur le flanc Est de l'OTAN.

Raimundas Karoblis s'est rendu à Washington la semaine dernière pour demander le soutien de responsables et d'élus américains à un moment où les pays baltes - en première ligne face à la Russie - modernisent leurs défenses pour tenter de dissuader le Kremlin d'interférer dans leurs affaires.

Dans une interview à l'AFP, il s'est dit reconnaissant pour le soutien des États-Unis à l'OTAN et confiant qu'il va se poursuivre malgré les inquiétudes qu'ont pu susciter la réticence de Donald Trump à endosser pleinement le rôle de primus inter pares au sein de l'Alliance atlantique, qui revient traditionnellement au président américain.

M. Karoblis aura peut-être été un peu rassuré vendredi par la promesse faite en public par M. Trump de défendre ses alliés en cas d'agression, inscrite dans l'article 5 du traité fondateur de l'OTAN.

L'omission de cet engagement dans un discours du président américain lors du sommet de l'OTAN de Bruxelles le 25 mai avait provoqué une vive émotion en Europe où les ambitions russes inquiètent depuis l'annexion de la Crimée en 2014 et le soutien de Moscou aux rebelles pro-russes dans l'est de l'Ukraine.

Le ministre a clairement exprimé le souhait que les troupes américaines, qui depuis des mois multiplient les manoeuvres conjointes sur toute la bordure orientale du Vieux continent, s'installent de manière permanente en Lituanie, une sorte «de présence dissuasive exponentielle».

«L'Europe a besoin de la présence et du leadership des États-Unis en tant que système de défense mais dans le même temps nous sommes persuadés que les États-Unis ont aussi besoin d'alliés», a expliqué M. Karoblis.

L'OTAN est-elle obsolète, comme l'a dit M. Trump pendant la campagne. «Elle n'est pas obsolète, ça c'est sûr. Cela n'a été dit qu'une seule fois pendant la campagne. Mais pour autant l'OTAN doit changer, c'est clair y compris pour nous».

Et le ministre d'ajouter que Donald Trump a eu raison d'insister pour que les alliés augmentent leurs dépenses de défense jusqu'à atteindre l'objectif - entériné par tous - de 2% du PIB, et dont la plupart sont encore loin.

«Poutine veut tester l'OTAN»

La Lituanie a plus que doublé ses dépenses dans le domaine pour les porter à 1,8% du PIB et le ministre juge que l'objectif de 2% sera atteint l'an prochain.

Mais il a clairement souligné que même si les autres partenaires de l'OTAN font plus, ce ne serait jamais suffisant pour compenser le rôle crucial des États-Unis dans l'Alliance.

«La Russie a plus de chars à la frontière avec l'Ukraine que l'Allemagne et le Royaume-Uni n'en comptent réunis», a-t-il affirmé.

Les trois pays baltes ont des relations tendues avec Moscou depuis qu'ils ont gagné l'indépendance et les bruits de bottes venus de l'autre côté de la frontière - d'abord en Géorgie puis en Ukraine - ne font rien pour les rassurer.

Ils s'inquiètent en particulier de gigantesques manoeuvres d'automne de l'armée russe, «Zapad 2017».

Le président russe Vladimir Poutine «veut tester l'OTAN...et il est probable que la meilleure façon de le faire soit les États baltes», a souligné le ministre.

Selon lui, 100 000 militaires russes vont participer à cet exercice d'envergure qui se déroulera au Bélarus, au sud de la frontière lituanienne.

Vilnius craint que le président russe ne profite de l'occasion pour laisser ses militaires sur place et ainsi créer une nouvelle position de force sur le flanc Est de l'OTAN. Depuis le Bélarus, seuls les 80 kilomètres de la trouée de Suwalki sur la frontière polono-lituanienne sépareraient alors cette armée de l'enclave russe de Kaliningrad.

Toute action russe pour fermer la trouée pourrait aboutir à l'encerclement des pays baltes, tandis que les batteries de missiles stationnées à Kaliningrad pourraient menacer les voies maritimes.

L'OTAN a déjà stationné 1000 soldats sous commandement allemand en Lituanie, une unité semblable mais sous commandement britannique en Estonie, et des troupes sous la houlette des Canadiens en Lettonie.

En revanche, les forces américaines, qui ont multiplié les manoeuvres dans toute la région, font des rotations dans les États baltes à partir de leur base polonaise.

Le chef du Pentagone James Mattis a clairement indiqué que les États-Unis étaient prêts à en faire plus en cas de provocation russe, mais Vilnius préférerait avoir des soldats américains stationnés en permanence sur son sol.

«Nous Lituaniens ne pouvons imaginer être en sécurité sans le soutien et les assurances du côté américain», a dit le ministre.

AFP

Raimundas Karoblis et son homologue américain James Mattis inspectent une garde d'honneur à Vilnius, capitale de la Lituanie, le 10 mai dernier.