Un mois après avoir élu président le jeune centriste Emmanuel Macron, les Français doivent choisir dimanche leurs députés à l'Assemblée nationale, où le parti présidentiel semble en mesure d'obtenir la majorité nécessaire pour réaliser les réformes promises pendant la campagne électorale.

À l'avant-veille du premier tour du scrutin, les sondages donnent une ample avance au camp Macron, avec autour de 30 % des intentions de vote, face à une opposition en lambeaux.

Éliminés dès le premier tour de la présidentielle, les partis traditionnels de gauche et de droite qui se partagent le pouvoir en France depuis 60 ans craignent d'être balayés par un raz-de-marée bleu ciel, la couleur du mouvement présidentiel créé il y a seulement un an : d'après plusieurs projections, il pourrait avoir près de 400 députés, bien au-delà du seuil de 289 sièges requis pour obtenir la majorité absolue.

Si les dirigeants européens et les marchés se félicitent de savoir que les réformes promises pourront être mises en oeuvre, la perspective d'une concentration des pouvoirs ne manque pas d'inquiéter les autres forces politiques françaises.

M. Macron et son mouvement suivent « une stratégie de domination hégémonique [...] je ne pense pas que ce soit sain pour le débat démocratique pour les cinq années à venir », a ainsi déploré vendredi François Baroin, le chef de file du parti de droite Les Républicains (LR) pour les législatives.

État de grâce

La déferlante potentielle de députés du camp de M. Macron viendrait confirmer la soif de renouvellement politique des Français, qui ont éliminé les ténors des partis traditionnels et élu président un homme de 39 ans encore inconnu de tous il y a quelques années. Sa volonté de briser les lignes politiques traditionnelle l'a conduit à former un gouvernement mêlant personnalités de droite, de gauche et de la société civile.

Parmi les 530 candidats investis par La République en Marche (le mouvement d'Emmanuel Macron), la moitié sont des citoyens jamais élus et originaires d'horizons variés : torera, mathématicien, pilote de chasse, etc.

Leur manque de notoriété ou d'expérience ne les empêche pas d'avoir le vent en poupe, portés par la popularité du nouveau chef de l'État français, qui connaît un indéniable état de grâce en ce début de quinquennat.

« Un vent nouveau se lève », s'est enflammé mercredi le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, soutien de la première heure du président centriste, saluant « la France qui [tient] tête, la France de retour ».

Premiers pas jugés réussis sur la scène internationale face aux poids lourds que sont Donald Trump, Angela Merkel et Vladimir Poutine, confiance des investisseurs, cote au beau fixe auprès des Français, fascination mondiale pour le couple atypique formé par M. Macron et sa femme Brigitte, de 24 ans son aînée... Le président pro-européen bénéficie d'une véritable « Macronmania », malgré de premières polémiques.

Après des accusations de favoritisme portées contre l'un de ses proches, Richard Ferrand, à propos d'une transaction immobilière en 2011, le petit parti centriste MoDem allié au chef de l'État, qui compte plusieurs ministres de poids au gouvernement, est désormais visé par une enquête sur des soupçons d'emplois fictifs financés par des fonds européens.

Au défi de réformer

Reste à transformer l'essai. Ces législatives revêtent un enjeu crucial pour Emmanuel Macron, qui a besoin d'une solide majorité pour asseoir sa politique de réformes sociales-libérales : moralisation d'une vie politique minée par les affaires, assouplissement du droit du travail - au risque de s'attirer les foudres des syndicats - ou encore réduction des déficits publics, pour se conformer aux règles européennes.

L'impératif est double : il s'agit de tenir les engagements pris auprès des électeurs, mais aussi de regagner la confiance de Berlin, qui réclame depuis longtemps des réformes structurelles à Paris. Or Emmanuel Macron a bien l'intention de former avec l'Allemagne le duo de tête européen, à l'heure où l'allié américain prend ses distances et où la Grande-Bretagne a fait le choix du Brexit.

« L'élection d'Emmanuel Macron redonne à l'Europe un fragile espoir. Trump et le Brexit peuvent jouer comme un accélérateur de particules pour le couple franco-allemand ». Mais « la France doit d'abord traduire ses intentions en actes pour convaincre l'Allemagne que, cette fois-ci, elle ira jusqu'au bout dans sa volonté de réformes », fait valoir l'expert en politique internationale Dominique Moïsi dans une note d'analyse.