Le dernier jour avant le vote crucial de l'élection présidentielle française dimanche a été marqué samedi par un ultime rebondissement, le piratage et la mise en ligne de milliers de documents de la campagne du centriste Emmanuel Macron.

Ces publications sur internet ont aussitôt été qualifiées de «déstabilisation» par l'ancien ministre de l'Économie alors que le président sortant François Hollande a assuré samedi que ce piratage ne resterait pas «sans réponse» et que des «procédures allaient entrer en vigueur».

L'autorité électorale française a mis samedi en garde contre la rediffusion de ces documents, une consigne qui a été suivie par les grands médias, à la veille du second tour de la présidentielle qui oppose M. Macron à la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen.

L'équipe du candidat centriste, qui avait pourtant pris nombre de précautions, comme des messageries cryptées ou des serveurs protégés, a dénoncé une «action de piratage massive et coordonnée» de courriels et pièces comptables, auxquels seraient joints «nombre de faux documents, afin de semer le doute et la désinformation (...) comme cela s'est déjà vu aux États-Unis pendant la dernière campagne présidentielle».

Après enquête sur le piratage qui avait visé l'équipe de Hillary Clinton, la candidate démocrate à la présidentielle américaine de 2016, les agences de renseignement américaines avaient accusé la Russie d'avoir interféré dans la présidentielle des États-Unis afin de favoriser le candidat républicain Donald Trump, élu le 8 novembre.

La Commission nationale de contrôle de la campagne présidentielle, qui s'est réunie samedi matin, a recommandé aux médias de «faire preuve d'esprit de responsabilité et de ne pas relayer ces contenus, afin de ne pas altérer la sincérité du scrutin».

«La diffusion ou la rediffusion de telles données, obtenues frauduleusement, et auxquelles ont pu, selon toute vraisemblance, être mêlées de fausses informations, est susceptible de recevoir une qualification pénale», a-t-elle souligné dans un communiqué.

Dès leur diffusion, via Twitter, ces documents piratés ont été relayés par l'extrême droite.Nicolas Vanderbiest, un chercheur belge spécialiste des réseaux sociaux, a étudié la façon dont ils se sont propagés sur la Toile vendredi soir, et a incriminé un militant américain proche de l'extrême-droite, relayé ensuite par des comptes francophones pro-FN.

Il y a «des dizaines de milliers d'emails, de photos et de pièces jointes, datant du 24 avril au plus tard» (le lendemain du premier tour de la présidentielle), selon WikiLeaks. Le site fondé par Julian Assange, qui a relayé sur son compte Twitter le lien hypertexte menant à ces documents, a assuré ne pas être à l'origine de cette opération de piratage.

50 000 hommes mobilisés

En mars, En Marche avait été la cible de tentatives de hameçonnage («phishing»), attribuées à un groupe russe par l'entreprise japonaise de cybersécurité Trend Micro.

Ce piratage pourrait-il avoir une incidence sur le vote des électeurs français dimanche? Dans les derniers sondages publiés vendredi, avant la clôture de la campagne officielle, Emmanuel Macron était toujours largement en tête, avec 61,5 à 63% des voix, contre 37 à 38,5% pour Marine Le Pen.

À deux jours du vote, la participation potentielle reste cependant relativement faible: seules 68% des personnes interrogées se disent certaines d'aller voter.

Avant les révélations sur ce piratage massif, la tension était déjà montée avec l'annonce de l'arrestation dans la nuit de jeudi à vendredi d'un ancien militaire converti à l'islam, à proximité d'une base aérienne militaire à Évreux, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Paris.

Sous surveillance depuis 2014 pour sa radicalisation, l'homme avait prêté allégeance au groupe djihadiste État islamique, selon une clé USB saisie dans son véhicule, où se trouvaient également des drapeaux de l'EI. Un fusil à pompe a aussi été découvert dans un fourré.

Les enquêteurs cherchent à déterminer si le suspect était sur le point de commettre une action violente.

Le 20 avril, trois jours avant le premier tour de la présidentielle, un policier avait été tué sur l'avenue parisienne des Champs-Élysées. L'attaque avait été revendiquée par l'EI, à l'origine de la plupart des attentats qui ont fait 239 morts dans le pays depuis janvier 2015.

Dimanche les deux candidats voteront dans le nord de la France, M. Macron dans la station balnéaire du Touquet et Mme Le Pen dans son fief ouvrier d'Hénin-Beaumont.

Les mesures de sécurité seront renforcées autour des bureaux de vote, et plus de 50 000 policiers, gendarmes et militaires seront mobilisés.

Le coup d'envoi du vote a été donné dès samedi dans les territoires d'outre-mer et pour les 1,3 million de Français résidant à l'étranger.

Devant le collège Stanislas de Montréal, où 24 bureaux sont installés, les premiers votants se pressaient déjà une heure avant l'ouverture. Rapidement, une queue serpentant sur 2 km s'est formée à l'extérieur où les électeurs patientaient, dans la bonne humeur malgré les averses.