Le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, Michel Barnier, a prévenu mercredi que le Brexit ne se ferait pas «rapidement et sans douleur», alors que Londres et Bruxelles se crispent autour de la facture du départ.

«Certains créent l'illusion que le Brexit n'aura pas d'impact matériel sur nos vies ou que les négociations pourraient être conclues rapidement et sans douleur», a regretté le Français, désigné par la Commission et les États membres pour les représenter à la table des négociations.

Prêt «à toutes les options» sur l'issue des pourparlers, M. Barnier a toutefois insisté que l'objectif restait d'obtenir un accord pour une sortie organisée.

Le mandat présenté à Bruxelles regroupe «les questions qui, à ce stade, ont été reconnues comme strictement nécessaires à un retrait ordonné du Royaume-Uni», selon le document publié mercredi.

Ces «recommandations» de la Commission devront encore être adoptées par les États membres, lors d'un conseil des ministres le 22 mai. Les 27 seront alors juridiquement prêts à ouvrir les discussions avec Londres.

Pas une «facture»

L'une des questions les plus contentieuses est celle du «règlement financier», la somme que l'UE exige du Royaume-Uni pour couvrir ses engagements. Ceux-ci sont relatifs au budget, au départ d'organismes comme la BCE ou la Banque européenne d'investissement, ou encore à la participation à des fonds européens comme celui en faveur des réfugiés en Turquie.

Soit entre 40 et 60 milliards d'euros selon des estimations côté européen, 100 milliards selon le quotidien britannique Financial Times.

«Il ne s'agit pas d'une punition ni d'une taxe de sortie», a expliqué M. Barnier, qui s'est fixé pour objectif de se «mettre d'accord (avec Londres, NDLR) sur une méthodologie rigoureuse» de calcul.

Mercredi matin, le ministre britannique responsable du Brexit David Davis a averti que son pays «ne paiera pas» 100 milliards d'euros et menacé de ne «rien payer» si aucun accord n'était trouvé.

M. Barnier a lui refusé de parler de «facture» et a soutenu que l'UE n'exigera pas un «chèque en blanc» du Royaume-Uni.

Il s'agira de respecter les engagements pris dans le cadre financier pluriannuel qui court pour la période 2014-2020, a-t-il précisé, des sommes engagées qui pourraient causer des problèmes si des programmes devaient être «amputés ou suspendus».

Ces sommes sont aussi évolutives selon l'UE, en fonction des engagements que le Royaume-Uni peut encore prendre d'ici la fin officielle de son adhésion, le 29 mars 2019 au plus tard.

Deux camps opiniâtres

Les deux camps se sont ancrés sur leurs positions à l'approche du début des négociations, attendu après les élections britanniques du 8 juin.

Le ton s'est durci à Londres après un article du journal allemand FAZ rapportant qu'à l'issue d'un dîner la semaine dernière à Londres, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait considéré que Mme May était sur «une autre galaxie» au moment d'aborder ces négociations.

Theresa May a répondu qu'elle se comporterait en «femme sacrément difficile», reprenant la qualification d'un ancien collègue à son égard. «J'ai noté que c'est une femme coriace», a rétorqué en conférence de presse M. Juncker.

Les directives des négociateurs reprennent les grands principes établis par les États membres lors d'un sommet samedi.

Outre l'épineuse question financière, l'UE s'est fixé comme priorité numéro 1 de protéger et garantir à vie les droits des citoyens acquis pendant la période d'adhésion du Royaume-Uni. Environ 4,5 millions de personnes sont concernées: ressortissants européens installés dans le pays et Britanniques vivant sur le territoire des 27.

Les droits de résidence, mais aussi liés à l'emploi, à l'éducation, à la santé, à la reconnaissance du diplôme ou de la qualification, aux avantages sociaux et fiscaux, devront être garantis, stipule le mandat. Et cette garantie sera protégée in fine par la Cour de justice de l'UE.

Les négociations ne devront par ailleurs pas compromettre l'accord du Vendredi saint, qui a mis fin aux «troubles» en Irlande en 1998. L'UE veut s'assurer qu'une frontière physique ne sera pas instaurée entre l'Irlande du Nord, province britannique, et l'Irlande.

Ce n'est qu'une fois des progrès significatifs observés sur ces dossiers qu'une seconde phase de discussions, sur la nature de la future relation entre les deux parties, pourra être ouverte. À l'automne, a espéré M. Barnier.