Le jeune centriste Emmanuel Macron a engrangé lundi des soutiens de toutes parts, dont celui du président François Hollande, en vue du second tour de la présidentielle française, tandis que la candidate d'extrême droite, Marine Le Pen, s'est montrée offensive, attaquant frontalement son adversaire.

Au terme d'une campagne riche en rebondissements, à 39 ans M. Macron, nouveau venu en politique, fait désormais figure de favori pour devenir le 7 mai le plus jeune président de la République française.

Avec 24,01% des suffrages, ce libéral parti en campagne sans expérience a devancé la dirigeante du Front national, 48 ans (21,30% des voix), avec une gifle pour les partis traditionnels, socialiste et Les Républicains, éliminés.

Jamais élu jusqu'à présent, l'ex-ministre de l'Économie de François Hollande a entamé lundi des «négociations politiques» dans le but de former une majorité, avec en ligne de mire les législatives des 11 et 18 juin.

Marine Le Pen, elle, a choisi un marché dans le nord de la France pour vanter son programme prévoyant fermeture des frontières, sortie de l'euro et moratoire sur l'immigration.

«Je suis la candidate de la protection des Français», a déclaré lundi soir, pour sa première interview après le 1er tour, celle qui a fait ses meilleurs scores dans ce que les géographes et les sociologues appellent la «France périphérique».

Un grand débat télévisé l'opposera le 3 mai à Emmanuel Macron : «on sera front à front avec l'adversaire qu'on a désigné tout au long de cette campagne», a dit un proche du centriste, qui veut devenir «le président des patriotes face à la menace des nationalistes».

Marine Le Pen a estimé sur France 2 que «rien dans le projet de M. Macron ni dans son comportement ne dénote la moindre preuve d'amour pour la France» et a décrit son adversaire comme le «représentant de la mondialisation décomplexée».

Le président François Hollande a annoncé officiellement qu'il allait voter pour son ancien ministre, car «la présence de l'extrême droite fait une nouvelle fois courir un risque pour notre pays».

La majorité de la classe politique, à droite comme à gauche, tout comme plusieurs syndicats et le Medef, principale organisation patronale, ont déjà appelé à «faire barrage» à Marine Le Pen. Cette dernière a brocardé en réponse «le vieux front républicain tout pourri, dont plus personne ne veut».

Le «front républicain» est la formule couramment utilisée pour désigner les responsables politiques qui appellent à barrer la route à l'extrême droite, quel que soit l'autre candidat.

Un rassemblement organisé lundi soir sur la place de la République à Paris a réuni plusieurs centaines de personnes venues dire «non au FN» et appeler à la mobilisation pour le second tour.

En 2002, le père de Marine Le Pen, Jean-Marie, avait créé la surprise en se qualifiant face au candidat de droite Jacques Chirac avant d'être battu à plate couture (17,79%) du fait du rassemblement contre lui.

Soif de renouvellement

Selon un sondage lundi, M. Macron battrait largement Marine Le Pen le 7 mai, avec 60% des voix. Les marchés financiers, à commencer par la Bourse de Paris qui évoluait au plus haut depuis janvier 2008, ont salué par de très fortes hausses sa performance au premier tour en pariant sur cette victoire.

«Nous pouvons gagner et je vais même vous dire mieux nous allons gagner», a martelé la candidate, lundi, estimant «parfaitement faisable» de gagner «dix petits points» d'ici le 7 mai.

Le FN a enregistré un record de voix (7,5 millions) récoltées en majorité dans les zones «périphériques», les petites et moyennes villes, les régions rurales éloignées des bassins d'emplois et désertées par les services publics. Son score reste cependant inférieur à ses attentes.

Mme Le Pen a appelé au «rassemblement le plus large des patriotes». Elle espère récupérer des voix dans les rangs de la «France insoumise» du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon qui, après avoir capté 19,58% des suffrages, n'a pas donné de consigne de vote. La frange la plus conservatrice de la droite pourrait aussi lui apporter des voix.

Aux antipodes sur tous les plans - ouverture/repli, diversité/identité, libéralisme/protectionnisme -, les deux finalistes ont un point commun : ils sont parvenus à capitaliser sur le désir de renouvellement politique des Français en éliminant pour la première fois les deux partis traditionnels qui dominent la vie électorale depuis plusieurs décennies.

Le conservateur François Fillon, plombé par le scandale autour des emplois fictifs présumés au profit de sa famille, a enregistré une humiliante défaite, à 20,01% des voix, et décidé de redevenir un simple militant. Le socialiste Benoît Hamon a de son côté subi un cuisant désaveu, avec 6,36% des suffrages.