Les Témoins de Jéhovah ont été interdits jeudi en Russie en vertu d'une décision de la Cour suprême qui ouvre la voie à confiscation des biens de cette organisation désormais officiellement considérée comme «extrémiste».

Un responsable russe des Témoins de Jéhovah, Iaroslav Sivoulski, qui s'est dit «choqué» par cette mesure d'interdiction, a annoncé que son mouvement ferait appel et était prêt à aller devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) en dernier recours.

«Je ne pensais pas qu'une telle chose serait possible dans la Russie moderne, où la Constitution garantit la liberté de religion», a-t-il réagi.

Le ministère de la Justice, qui demandait l'interdiction de ce mouvement millénariste revendiquant 175 000 membres en Russie, a relevé chez ce dernier des «signes d'activité extrémiste» et a estimé qu'il représentait «une menace pour les droits des citoyens, pour l'ordre public et pour la sécurité de la société».

La Cour suprême, qui examine cette affaire depuis le 5 avril, a décidé de donner suite à la demande du ministère, ordonnant la liquidation des 395 organisations locales des Témoins de Jéhovah sur le territoire russe et la confiscation de leurs biens.

«Nos fidèles se retrouvent dans une position très inconfortable. Ils risquent des poursuites judiciaires», a estimé M. Sivoulski, assurant que les membres de son organisation continueront à se rassembler en secret.

Cas précédents

«Nous craignons que la loi contre l'extrémisme ne soit utilisée contre les fidèles qui continueront à se rassembler et à étudier la Bible», a réagi dans un entretien avec l'AFP Evgueni Kalinine, un fidèle venu assister à l'audience.

Aux yeux de la puissante Église orthodoxe russe, les Témoins de Jéhovah sont une secte qu'elle juge dangereuse en raison notamment de l'interdiction des transfusions sanguines pour ses membres.

Plus globalement, le patriarcat orthodoxe craint la concurrence et le prosélytisme des autres mouvements religieux, par exemple les évangélistes.

La Russie avait déjà ordonné la dissolution en 2004 d'une branche des Témoins de Jéhovah, une décision jugée «injustifiée» par la CEDH, qui a condamné ce pays à 70 000 euros de dommages et intérêts en 2010 dans cette affaire.

En 2007, la Russie avait également été condamnée pour avoir violé le droit à la liberté de religion d'une centaine de Témoins de Jéhovah en annulant en 2000 une réunion religieuse dans l'auditorium d'un collège de Tcheliabinsk en Sibérie.

Croyances «problématiques»

Mouvement chrétien fondé en 1873 aux États-Unis par Charles Russel, les Témoins de Jéhovah annoncent de porte en porte l'instauration prochaine du paradis sur la Terre, grâce au Royaume de Dieu.

En 2010, cette organisation revendiquait 7,5 millions de «proclamateurs» réguliers : ils se revendiquent du christianisme, mais cette filiation leur est refusée par les confessions chrétiennes, car ils ne croient pas en la divinité du Christ.

Sans être considérés comme une secte, les Témoins de Jéhovah font l'objet en France d'une vigilance de la part des autorités qui considèrent certaines de leurs croyances comme «problématiques».

Leur souhait d'une plus grande normalisation au sein de la société se heurte notamment à leur refus de la transfusion sanguine, à leur propension à traiter en interne ce qui relève de la sphère publique et à leur repli communautaire.