La liste fournie par l'ETA a permis de retrouver samedi «près de 3,5 tonnes d'armes et d'explosifs», un geste dans le cadre du «désarmement» annoncé par l'organisation séparatiste basque et salué comme un «grand pas» par la France, mais jugé insuffisant par l'Espagne.

L'organisation clandestine, qui a renoncé en 2011 à la lutte armée, avait fourni samedi cette liste de huit caches d'armes et d'explosifs, situées dans le département français des Pyrénées-Atlantiques, frontalier de l'Espagne, selon des sources proches du dossier.

La France et plus particulièrement le Sud-Ouest ont historiquement servi de «base arrière» à l'ETA.

Après s'être rendues sur place, les autorités ont retrouvé «près de 3,5 tonnes d'armes, explosifs et matériels nécessaires à la fabrication d'engins explosifs», a annoncé le premier ministre français Bernard Cazeneuve qui s'est «félicité de cette opération, menée dans le calme et sans violence».

La tonalité était la même un peu plus tôt samedi, lorsque le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl a salué «un grand pas» et «un jour incontestablement important», en rendant également hommage aux victimes de l'ETA.

En revanche, à Madrid, la tonalité est toute autre et c'est la première fois que l'Espagne et la France ne sont pas sur la même longueur d'onde sur ce dossier: l'ETA doit «annoncer sa dissolution définitive, demander pardon à ses victimes et disparaître, au lieu de monter des opérations médiatiques pour dissimuler sa défaite», a sèchement commenté le gouvernement espagnol dans un communiqué.

Dès vendredi, Madrid avait adressé une fin de non-recevoir à l'ETA: «Elle ne tirera aucun avantage, aucun bénéfice politique» de son désarmement unilatéral.

En 43 ans, les attentats de l'ETA perpétrés au nom de la lutte pour l'indépendance du Pays Basque et de la Navarre ont fait 829 morts, selon les autorités.

Mouvement «à l'agonie»

Les forces de l'ordre doivent à présent s'assurer que ces caches correspondent à ce qu'elles savent de l'arsenal du mouvement clandestin. Les experts en balistique et la justice devront ensuite faire «parler» ces armes.

«Les produits dangereux seront détruits. Armes et matériels vont être expertisés sous l'autorité de la justice qui travaillera, comme toujours, en étroite collaboration avec la justice espagnole afin de vérifier si les éléments recueillis peuvent aider à résoudre des affaires toujours en cours», a précisé le premier ministre français.

C'est la Commission internationale de vérification (CIV), une structure indépendante qui oeuvre à la solution du conflit basque mais n'est reconnue ni par Madrid, ni par Paris, qui a remis cette liste de caches samedi matin au procureur de Bayonne (sud-ouest), Samuel Vuelta Simon, a indiqué ce dernier dans un communiqué.

L'ETA (Euskadi ta Askatasuna, Pays Basque et Liberté), qui est classée comme «organisation terroriste» par l'Union européenne (UE), avait annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi, dans un communiqué à la BBC, son «désarmement total» pour samedi.

D'après des experts de la lutte antiterroriste, l'ETA est «à l'agonie et le mouvement clandestin compterait tout au plus encore une trentaine de membres».

Un point de vue partagé par un expert du conflit basque, Jean Chalvidant, interrogé par l'AFP: selon lui, l'ETA a mis en scène un «show» pour redorer une «image désastreuse» et alors qu'elle «se sait vaincue».

L'ETA, née en 1959 dans la lutte contre le franquisme, a renoncé en octobre 2011 à la lutte armée, après 43 ans de violences au nom de l'indépendance du Pays Basque et de la Navarre.

Mais elle refusait son désarmement et sa dissolution exigés par Madrid et Paris, réclamant une négociation sur ses membres détenus (337, dont 75 en France et une centaine purgeant des peines de plus de dix ans de prison).

En marge de l'opération de «désarmement», un «grand rassemblement populaire» a eu lieu samedi après-midi à Bayonne sur le thème «Nous sommes tous et toutes des artisans de la paix». Selon la police, 6000 à 7000 personnes, dont une majorité venues du Pays Basque espagnol, ont participé à ce rassemblement aux cris de «Independentzia» («Indépendance»).