Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson discutait jeudi en Turquie du conflit syrien, sujet de divergences entre les deux alliés, au lendemain de l'annonce par Ankara de la fin de son opération militaire dans le nord du pays.

M. Tillerson, plus haut responsable américain à se rendre en Turquie depuis l'entrée en fonctions de l'administration de Donald Trump, s'est entretenu dans la matinée à Ankara avec le premier ministre Binali Yildirim avant d'entamer une réunion avec le président Recep Tayyip Erdogan.

MM. Tillerson et Yildirim ont discuté «des moyens de renforcer les liens cruciaux (entre les deux pays) dans les domaines de la sécurité et de l'économie», a indiqué un responsable du département d'État.

Des responsables des deux pays, alliés au sein de l'OTAN, ont affirmé que M. Tillerson et ses interlocuteurs turcs devaient aborder notamment la guerre en Syrie où les deux pays sont impliqués, mais soutiennent des groupes armés de camps rivaux.

La visite de M. Tillerson survient au lendemain de l'annonce mercredi par Ankara de la fin de l'opération «Bouclier de l'Euphrate» lancée en Syrie en août dernier contre les djihadistes du groupe État islamique (EI) et les milices kurdes, sans qu'il ne soit spécifié si les troupes turques s'en retireraient pour autant.

Dans le cadre de cette opération, les rebelles syriens appuyés par la Turquie ont repris aux djihadistes plusieurs villes, dont Jarablos, Al-Rai, Dabiq et enfin Al-Bab, où l'armée turque a subi de lourdes pertes.

Cette ville d'importance stratégique, à 25 kilomètres au sud de la frontière turque, était la dernière place forte des djihadistes dans la province d'Alep, dans le nord de la Syrie, et a été entièrement reprise en février.

M. Erdogan a déclaré que la Turquie voulait travailler avec ses alliés, mais sans les milices kurdes, à la reconquête de Raqa, la capitale de facto du groupe Etat islamique en Syrie.

La Turquie dénonce régulièrement en effet le soutien apporté par Washington en Syrie aux milices kurdes des YPG dans la lutte contre l'EI. Ankara, qui appuie de son côté d'autres groupes armés sous la bannière de «l'Armée syrienne libre», considère les YPG comme un groupe terroriste émanant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Points de friction

Ce soutien aux YPG, sujet permanent de tension entre Ankara et l'administration de l'ancien président Barack Obama, se poursuit sous celle de Trump en dépit d'appels réguliers de responsables turcs à y mettre fin.

Dans une interview télévisée diffusée mercredi soir, M. Yildirim a affirmé que la Turquie n'avait pas été officiellement informée par Washington si elle ferait partie ou pas de l'offensive attendue contre Raqa.

«Les derniers développements nous donnent l'impression que (l'administration Trump) poursuit le même chemin que celui de la précédente administration», a-t-il regretté.

«Nous allons le dire au secrétaire d'État américain sans détour et nous allons demander aux États-Unis de clarifier sa position», a-t-il ajouté.

Un autre point de friction concerne le prédicateur Fethullah Gülen installé aux États-Unis et dont Ankara, qui l'accuse d'être responsable du putsch manqué du 15 juillet, réclame en vain l'extradition depuis plusieurs mois.

Deux autres sujets de potentielle tension ont émergé à la veille de la visite de Rex Tillerson.

Un cadre du géant bancaire turc Halkbank a été arrêté à New York mardi, soupçonné d'avoir enfreint les sanctions imposées par les États-Unis à l'Iran.

M. Yildirim a affirmé mercredi que le sujet serait abordé et qu'Ankara suivait de près ce dossier. Le ministre turc de la Justice a pour sa part qualifié l'arrestation du banquier d'«opération entièrement politique», dans des déclarations à la chaîne A-Haber.

Par ailleurs, la Turquie a réagi vivement après la révélation d'un coup de téléphone passé par le consulat américain d'Istanbul à un meneur présumé du putsch manqué, Adil Öksüz, actuellement en fuite.

L'ambassade américaine à Ankara a affirmé mercredi que cet appel, passé quelques jours après la tentative de coup d'Etat, visait à prévenir M. Öksüz de la révocation de son visa pour les États-Unis du fait d'une coopération avec les autorités turques.

Mais M. Yildirim a jugé ce communiqué «pas convaincant».