«Cabinet noir», assassinat politique... À un mois du premier tour le 23 avril, la campagne présidentielle en France s'envenime avec les accusations brandies par le conservateur François Fillon contre le pouvoir socialiste jugé responsable de ses déboires judiciaires.

Jusqu'à présent discret dans la campagne, le président François Hollande est sorti vendredi de sa réserve pour dénoncer le manque de «responsabilité» du candidat de la droite. M. Fillon, 63 ans, tente depuis des semaines de sauver une campagne empêtrée dans les affaires en accusant le pouvoir, les juges et la presse de chercher à le discréditer.

Le ton est soudain monté jeudi lorsque le candidat, désormais donné battu le 23 avril par le centriste Emmanuel Macron et la candidate de l'extrême droite Marine Le Pen, a dénoncé l'existence d'un «cabinet noir» dirigé par le chef de l'Etat, qui orchestrerait des fuites dans la presse.

«Je ne veux pas rentrer dans le débat électoral, je ne suis pas candidat, mais il y a une dignité, une responsabilité à respecter. Je pense que M. Fillon est au-delà maintenant, ou en-deçà», a réagi le président, qui a renoncé à briguer un second mandat après cinq ans d'un exercice du pouvoir marqué par une impopularité record.

M. Fillon a été inculpé la semaine dernière pour détournement de fonds publics dans l'affaire de soupçons d'emplois fictifs accordés à son épouse Penelope et deux de ses enfants lorsqu'il était parlementaire. L'enquête a été élargie à des soupçons de trafic d'influence, d'escroquerie aggravée et de faux.

Son ancien suppléant à l'Assemblée nationale, Marc Jouland, qui avait lui aussi employé Penelope Fillon comme assistante parlementaire, a également été inculpé vendredi pour détournement de fonds publics.

«Tuer Fillon»

Vendredi soir, le candidat a poursuivi sa rhétorique du complot: «La seule façon de sauver la gauche, c'est de tuer Fillon», a-t-il lancé lors d'un rassemblement à Biarritz.

M. Fillon, qui avait fait de la probité un thème clé de sa campagne avant les révélations, a affirmé jeudi soir que ses accusations de «cabinet noir» étaient étayées par un ouvrage co-écrit par trois journalistes.

Mais l'un des auteurs, Didier Hassoux, a démenti ses propos et dénoncé une instrumentalisation du livre par un homme «aux abois» qui «essaye de faire un coup».

Les déclarations de M. Fillon ont été vivement critiquées à gauche, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian dénonçant ainsi une «espèce de tentative désespérée pour sortir d'une situation dans laquelle il s'est enferré».

Jusque-là, les attaques contre le système, les «coups tordus» et les «faits cachés» étaient surtout des arguments de l'extrême droite.

Unanime contre M. Fillon, la gauche est néanmoins fracturée par les ralliements de plus en plus nombreux à Emmanuel Macron dans l'espoir de faire barrage à l'extrême droite en tête des intentions de vote au premier tour. Elle est néanmoins donnée battue au second tour le 7 mai.

Alourdissant encore le climat de la campagne, le candidat socialiste, Benoît Hamon, donné en quatrième position le 23 avril au coude-à-coude avec le représentant de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé les «trahisons» de son camp.

«Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant de trahisons», a déploré vendredi le vainqueur de la primaire socialiste dont la campagne peine à décoller.

L'ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls, battu à la primaire, a en outre refusé de lui accorder son parrainage et publiquement critiqué son programme aux idées novatrices, comme l'instauration d'un revenu universel d'existence. Un «comportement» contrevenant «gravement au principe de loyauté», selon la Haute Autorité de la primaire.

Pendant ce temps, la chef du parti Front national Marine Le Pen a été reçue officiellement vendredi à Moscou par Vladimir Poutine, une première. Indiquant préférer «laisser se bagarrer» MM. Fillon et Hollande, elle a estimé que le président russe représentait «une nouvelle vision» d'un «monde multipolaire».

M. Poutine a de son côté assuré que «la Russie n'interférera pas dans l'élection», alors que Moscou est accusé par les Occidentaux d'avoir interféré dans l'élection présidentielle américaine pour aider à faire élire Donald Trump et que Berlin craint des tentatives de «déstabilisation» de Moscou avant les élections législatives de septembre 2017.