La justice italienne a confirmé mercredi s'intéresser de près aux activités des ONG qui viennent au secours des migrants en Méditerranée, pour comprendre si elles ont notamment des contacts directs avec les trafiquants en Libye.

«On ne peut pas exclure qu'elles (les ONG) aient été contactées directement» par les trafiquants en Libye, a déclaré mercredi Carmelo Zuccaro, procureur de Catane (Sicile), engagé depuis plusieurs semaines dans une évaluation des rapports entre ces organisations non gouvernementales présentes en Méditerranée centrale et les responsables du trafic de migrants en Libye.

«Je suis convaincu que ce n'est pas toujours la centrale opérationnelle (responsable depuis Rome de la coordination des secours) qui appelle les ONG», a déclaré ce procureur devant une commission parlementaire. C'est un point sur lequel il faut enquêter, a-t-il ajouté.

S'il est confirmé que les trafiquants appellent directement les ONG pour les informer de leurs activités et les aider à sauver les migrants, cela mettrait en lumière «un lien objectif entre les organisateurs du trafic et ces ONG», a souligné M. Zuccaro. Elles pourraient alors être accusées de complicité dans ce trafic.

Interrogée par l'AFP, l'ONG SOS Méditerranée, citée notamment par le procureur, a formellement démenti l'existence de tels contacts. «Nous n'avons pas d'autonomie en ce qui concerne les interventions», toutes décidées par le centre opérationnel des garde-côtes, a souligné Amelia Giordano, porte-parole de l'organisation en Italie.

Le parquet de Catane cherche à comprendre notamment d'où vient le financement de ces petites ONG qui ont déployé au large de la Libye plusieurs navires. La justice italienne s'interroge sur cette concentration «anormale», selon M. Zuccaro.

Ces ONG «sont en train de créer un corridor humanitaire», ce qui pose une autre question : «Est-il est reconnu à des organisations privées de se substituer aux forces politiques et à la volonté des États en créant ces corridors ?», s'est interrogé M. Zuccaro devant les parlementaires.

À la suite de l'organisation maltaise Moas, qui a lancé son premier bateau pendant l'été 2014, près d'une dizaine d'ONG, financées essentiellement par des dons privés, ont participé en 2016 aux opérations de secours de migrants au large de la Libye.

Dans un rapport cité en décembre par le Financial Times, Frontex, l'agence européenne de contrôle des frontières, avait évoqué une possible collusion entre les réseaux qui font partir les migrants de Libye et les navires privés qui les récupèrent en mer «comme des taxis».

L'amiral italien Enrico Credendino, qui commande l'opération navale européenne anti-passeurs Sophia, a affirmé de son côté dans un entretien avec le Corriere della Sera que les ONG attirent les bateaux chargés de migrants, au moins la nuit, à l'aide de projecteurs.