Empêché la veille d'aller aux Pays-Bas, le chef de la diplomatie turque a tenu un rassemblement devant un millier de personnes dimanche à Metz, située dans le nord-est de la France, provoquant l'indignation de l'opposition de droite et d'extrême droite française en pleine campagne électorale.

Arrivé à Metz la veille au soir, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, s'est exprimé au Palais des congrès de la ville à l'invitation d'une association locale.

Dans son allocution, retransmise en direct par des chaînes turques, M. Cavusoglu s'en est pris aux Pays-Bas, qualifiés de «capitale du fascisme», un terme déjà utilisé ces derniers jours par M. Erdogan après la décision de La Haye de ne pas autoriser la venue de M. Cavusoglu.

Il a plaidé pour l'adoption du projet de révision constitutionnelle renforçant les pouvoirs du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui sera soumis à référendum le 16 avril. Une initiative controversée, M. Erdogan étant accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire, notamment depuis le putsch avorté de l'été dernier.

Face à lui, nombre de spectateurs tenaient des drapeaux turcs à la main ou arboraient sur les épaules la bannière rouge et blanc au croissant et à l'étoile.

«On vient pour soutenir notre pays, la Turquie. (M. Cavusoglu) est populaire, il est très connu. Le président Erdogan a fait beaucoup de changements en Turquie (...) avec plus d'aides pour les gens, pour les handicapés. il a fait construire des routes, des tunnels», déclarait Sybil, ouvrière venue en famille d'une commune à 40 km de Metz. Le 16 avril, elle votera «oui», «sans hésitation».

Erdogan remercie la France

Le rassemblement de Metz, prévu depuis plusieurs semaines, a suscité un intérêt médiatique inattendu en pleine crise diplomatique entre Ankara et La Haye.

L'affaire s'est invitée dimanche dans la campagne présidentielle française, à six semaines du premier tour de l'élection.

«Pourquoi devrait-on tolérer sur notre sol des propos que d'autres démocraties refusent ? Pas de campagne électorale turque en France», a tweeté la candidate du Front national (extrême droite), Marine Le Pen, en tête des intentions de vote au premier tour dans la plupart des sondages récents.

Le candidat de la droite François Fillon a lui accusé le président socialiste François Hollande de rompre «de manière flagrante la solidarité européenne», alors que des rassemblements turcs similaires ont été annulés ces derniers jours en Allemagne, en Autriche, en Suisse et aux Pays-Bas.

«Une position commune aurait dû prévaloir pour gérer les demandes turques. Le gouvernement français aurait dû empêcher la tenue de ce meeting (rassemblement)», a-t-il écrit dans un communiqué.

Un autre candidat de droite à l'élection présidentielle, Henri Guaino, a également jugé que la France n'aurait pas dû autoriser le ministre turc à participer au rassemblement de Metz, estimant également que le président Erdogan était «dangereux pour la démocratie et la paix dans le monde».

Le gouvernement français a fait valoir de son côté, par la voix de son chef de la diplomatie Jean-Marc Ayrault, que la réunion relevait du «régime de la liberté de réunion», et a appelé à «l'apaisement» dans la crise turco-néerlandaise.

La communauté turque en France est forte d'environ 700 000 personnes, dont 160 000 dans le Grand Est. 70 000 sont inscrites sur les listes électorales turques, dont 60% font traditionnellement usage de leur droit de vote.

«La France a adopté une attitude plus sereine que les Pays-Bas, dans un cadre démocratique», s'est réjoui Saban Kiper, vice-président d'une fédération associative turque, le Conseil pour l'égalité, la justice et la paix (Cojep).

«Je ne vois pas pourquoi on interdirait ce genre de rassemblement» qui «ne présente pas de menace de trouble à l'ordre public», a-t-il dit.

M. Erdogan a remercié dimanche la France pour avoir autorisé la visite de son chef de la diplomatie et l'a félicitée de ne pas être «tombée dans ce piège».

Un ministre allemand opposé aux rassemblements turcs

Le ministre allemand de l'Intérieur s'est déclaré dimanche opposé à ce que des ministres turcs viennent en Allemagne à des meetings en faveur du référendum voulu par le président Erdogan, des rassemblements au centre d'une crise entre Ankara et plusieurs pays européens.

«Personnellement, je ne suis pas partisan de ces apparitions. Je ne les souhaite pas. Une campagne (électorale) turque n'a rien à faire ici, en Allemagne», a déclaré Thomas de Maizière à la chaîne publique allemande ARD.

L'exécutif turc mise beaucoup sur ces meetings pour convaincre la diaspora turque d'Europe de voter en faveur du référendum qui vise à renforcer les pouvoirs présidentiels. L'Allemagne compte la plus importante communauté turque au monde hors de Turquie, avec 1,4 million de personnes.

Photo John MACDOUGALL, AFP

Le ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière.