La reconduction du Polonais Donald Tusk à la tête de la présidence du Conseil européen a encore élargi la fracture entre l'UE et la Pologne, farouchement opposée à ce nouveau mandat et qui a fustigé un «dangereux précédent».

L'ex-premier ministre libéral polonais a été élu par «27 voix contre une», selon deux sources diplomatiques, confirmant l'écrasant soutien témoigné par les dirigeants des pays de l'UE, France et Allemagne en tête.

Mais le gouvernement nationaliste et conservateur au pouvoir à Varsovie, qui considère M. Tusk comme un ennemi politique, a qualifié de «dangereux précédent» ce vote qui à ses yeux ignore la volonté d'un État membre, pays d'origine du candidat de surcroît.

«Nous savons maintenant que c'est une UE sous le diktat de Berlin», a vivement réagi le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski, interrogé par le site internet wpolityce.pl.

Varsovie reproche à Donald Tusk d'avoir abusé de ses fonctions en s'impliquant «personnellement» dans la vie politique de la Pologne, où certaines réformes récentes ont été critiquées par Bruxelles qui a dénoncé des atteintes à l'État de droit.

Conclusions refusées 

En représailles, la Pologne a décidé de «ne pas accepter» les conclusions de ce sommet», a asséné la chef du gouvernement conservateur nationaliste polonais, Beata Szydlo.

En fait, en l'absence de consensus, la déclaration finale du sommet, préparée depuis des semaines, pourra quand même être publiée dans son intégralité au nom de la présidence maltaise de l'UE, selon son premier ministre Joseph Muscat.

Ce blocage ne change rien à la réélection de M. Tusk, a expliqué une source européenne. Il s'agit en effet, selon la source, d'un acte législatif séparé, pris à la majorité qualifiée (il suffisait de 21 pays favorables, représentant 65% de la population de l'UE).

La reconduction de M. Tusk sera «un signe de stabilité pour l'ensemble de l'UE», a fait valoir la chancelière Angela Merkel. «Une image de cohérence et de continuité», a ajouté le président français François Hollande.

Visiblement marqué par l'épisode mais déterminé, Donald Tusk a martelé qu'il ferait «de son mieux pour rendre l'UE meilleure» avec l'ensemble des pays membres «sans exception».

«Comment allez-vous communiquer avec le gouvernement» en place à Varsovie, l'a harangué un journaliste. «En polonais», a laconiquement rétorqué M. Tusk.

Le Polonais va désormais continuer à assumer ses fonctions de coordinateur des sommets réguliers réunissant les chefs d'État ou de gouvernement visant à fixer les priorités politiques de l'UE jusqu'en novembre 2019. Il avait pris ses fonctions fin 2014.

Donald Tusk tout comme son adversaire Beata Szydlo se sont targués de vouloir défendre «l'unité de l'Europe», thème des débats que les dirigeants européens auront vendredi matin à Bruxelles, sans le Royaume-Uni.

Après le cas Tusk, les 28 ont évoqué la politique commerciale de l'UE, ébranlée par l'opposition populaire croissante à l'égard des traités de libre-échange, en particulier celui conclu avec le Canada (CETA) ou négocié avec les États-Unis (TTIP/TAFTA).

L'Europe «expliquer(a) à la planète entière que nous restons un continent de libre-échange et de commerce organisé selon des règles», a plaidé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui recevra le premier ministre japonais Shinzo Abe le 21 mars dans le cadre de négociations commerciales avec Tokyo.

Restait encore au menu du sommet jeudi soir la crise migratoire et les chantiers en matière de défense, ainsi qu'une discussion sur les Balkans occidentaux, où la montée des tensions et la dégradation de la situation politique inquiètent les Européens. 

«Plusieurs vitesses» 

Vendredi, sans la première ministre britannique Theresa May, ils consacreront la matinée à la préparation de la «Déclaration de Rome», qu'ils souhaitent publier pour les 60 ans du traité fondateur de la Communauté - devenue l'Union - européenne - qui seront célébrés à Rome le 25 mars.

Ce texte solennel doit montrer que l'UE restera unie après le Brexit.

Mais c'est l'idée d'un avenir à «plusieurs vitesses» pour l'Europe qui cristallise les débats: elle est fortement soutenue par la France et l'Allemagne, désireuses notamment de pouvoir renforcer la défense européenne sans être bloquées par des États récalcitrants.

D'autres pays s'inquiètent cependant de devenir des membres de deuxième zone de l'Union, comme ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie), qui se sont notamment illustrés ces derniers mois par leur vive hostilité à la politique migratoire de l'UE.