Les unionistes du DUP ont terminé en tête du scrutin anticipé en Irlande du Nord samedi, mais avec un seul siège d'avance sur les nationalistes du Sinn Féin, qui réalisent une percée à l'assemblée régionale.

Le DUP, favorable à l'union avec la Grande-Bretagne, a remporté 28 des 90 sièges de l'Assemblée régionale, selon les résultats définitifs publiés dans la nuit de vendredi à samedi, contre 27 pour le Sinn Féin, partisan d'une réunification de l'Irlande, laissant présager de pourparlers difficiles pour la formation d'un nouveau gouvernement de coalition.

En mai 2016, le DUP avait remporté 38 sièges contre 28 au Sinn Féin, dans une assemblée qui comportait alors 108 sièges.

« C'est une élection qui marque un tournant ; la première au cours de laquelle la réalité démographique de l'Irlande du Nord se traduit en termes électoraux », souligne le blogueur Chris Donnelly sur le site spécialisé Slugger O'Toole, alors que les protestants, majoritaires chez les unionistes, sont rattrapés en matière démographique par les catholiques, majoritaires chez les nationalistes.

L'autre grand parti unioniste, l'UUP, a également réalisé une contre-performance (10 sièges), se faisant doubler par le SDLP (Parti social-démocrate et travailliste, 12 sièges). Cela a entraîné la démission de son leader Mike Nesbitt.

Conséquence de leur contre-performance, les unionistes sont désormais minoritaires au sein de l'Assemblée nord-irlandaise, pour la première depuis sa création.

« Avançons dorénavant avec l'espoir que le bien commun prévale », a déclaré la dirigeante du DUP, la première ministre sortante Arlene Foster, pendant que Michelle O'Neill, dirigeante du Sinn Féin, se disait « ravie » par les résultats.

Le DUP et le Sinn Féin ont trois semaines pour s'entendre sur la formation d'un gouvernement et résoudre les différends qui ont conduit à la tenue de ces élections, dix mois seulement après le précédent scrutin.

Mais la mise sur pied d'un gouvernement de coalition d'ici le 27 mars est jugée peu plausible par les analystes.

« De tels changements se sont produits qu'il apparaît difficile de voir comment ils vont réussir à se projeter ensemble pour former un nouveau gouvernement », a estimé samedi Stephen Grimason, ancien porte-parole du gouvernement nord-irlandais, sur la BBC. « Cela va nécessiter de longues négociations ».

Institutions à l'arrêt ?

Si le Sinn Féin persiste à refuser de travailler avec Mme Foster, qui a annoncé avoir l'intention de se maintenir à son poste, le ministre britannique pour l'Irlande du Nord, James Brokenshire, pourrait avoir à administrer provisoirement, depuis Londres, la province d'Irlande du Nord. Une première en dix ans.

Michelle O'Neill, qui a remplacé Martin McGuinness à la tête du Sinn Féin, a réaffirmé mercredi à l'AFP qu'elle refuserait d'entrer dans un gouvernement avec Arlene Foster.

C'est la démission du vice-premier ministre et figure historique du Sinn Féin, Martin McGuinness, début janvier qui a laissé éclater la crise entre les deux partis qui se partagent le pouvoir en vertu des Accords de paix de 1998.

Ces accords ont mis fin à des affrontements entre catholiques nationalistes et protestants unionistes qui ont fait plus de 3000 morts en 30 ans et organisé le partage du pouvoir politique entre les partisans d'une union avec la Grande-Bretagne et les nationalistes.

M. McGuinness a mis en cause des malversations présumées dans un programme de subventions publiques aux énergies renouvelables promu par le DUP et sa dirigeante Arlene Foster. Cette dernière a dû automatiquement démissionner à son tour.

« Après une campagne brutale et qui a divisé, il y a peu de chances que les institutions fonctionnent dans les prochaines semaines », a estimé le journal The Irish News.

Car le conflit sur les subventions énergétiques dissimule en outre un autre malaise, lié au référendum sur le Brexit. Le DUP a fait campagne pour une sortie de l'Union européenne alors que le Sinn Féin a milité contre.

Un retour à une frontière visible avec la République d'Irlande serait vécu comme un casus belli par les nationalistes.

Si la crise politique venait à durer, Londres pourrait théoriquement convoquer un nouveau scrutin, mais cette hypothèse paraît peu probable.