Le gouvernement allemand a adopté un projet de loi controversé visant à accélérer les expulsions des milliers de demandeurs d'asile déboutés, suite à l'attentat de Berlin en décembre commis par un migrant tunisien.

Les mesures, qui doivent être approuvées au Parlement, avaient fait l'objet d'un accord préalable de principe il y a deux semaines entre les États régionaux, responsables dans le pays de la mise en oeuvre des expulsions, et le gouvernement fédéral.

Hasard du calendrier, et même s'il cible des groupes de personnes différents, l'approbation du texte par le gouvernement allemand intervient au lendemain des mesures prises par l'administration du président américain Donald Trump, déclarant expulsables presque l'ensemble des 11 millions de clandestins présents aux États-Unis.

À quelques mois des législatives de septembre, où elle briguera un quatrième mandat consécutif, la chancelière cherche ainsi à montrer une plus grande fermeté alors qu'elle reste très critiquée, jusque dans son camp conservateur, pour avoir ouvert la porte à plus d'un million de migrants en 2015 et 2016.

Le texte prévoit d'accélérer et de faciliter les renvois des demandeurs d'asile déboutés, à l'image de l'auteur de l'attentat djihadiste au camion-bélier de décembre à Berlin (12 morts), le Tunisien Anis Amri.

Débouté, le jeune homme de 24 ans n'avait pas pu être expulsé du fait, selon Berlin, du manque de coopération des autorités tunisiennes.

«Ceux qui verront leur demande d'asile rejetée devront quitter notre pays», a prévenu mercredi le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière.

«Cette année, nous attendons un nombre important de décisions négatives, c'est pourquoi il est important que nous appliquions ces mesures d'expulsions», a-t-il dit. 

Controverse

Concrètement, l'Allemagne veut augmenter de quatre à dix jours la durée de maintien en détention de migrants déboutés et considérés par la police comme potentiellement dangereux, dans l'attente de leur renvoi.

Les demandeurs d'asile qui mentiront sur leur identité ou enfreindront la loi, encourront des sanctions plus sévères, comme le port d'un bracelet électronique.

Autre point très polémique: la possibilité pour les autorités d'accéder aux données contenues dans les téléphones portables des demandeurs d'asile en cas de doutes sur leur identité.

Si un migrant téléphone «90 fois au Soudan et prétend qu'il vient d'Érythrée, alors il y a fort à parier qu'il s'agit d'un Soudanais», a fait valoir M. de Maizière.

«Portables et ordinateurs appartiennent au domaine particulièrement sensible de la sphère privée», a critiqué le parti d'opposition Die Linke (gauche radicale).

Une autre controverse a éclaté autour des expulsions de plus en plus nombreuses d'Afghans, deuxième groupe de demandeurs d'asile en importance en Allemagne après les Syriens.

Le gouvernement a organisé depuis décembre deux vols nolisés vers Kaboul, soit au total une soixantaine de personnes. Un troisième vol d'une cinquantaine d'Afghans devait décoller mercredi soir de Munich. Entre 300 et 400 personnes ont manifesté dans la soirée à l'aéroport de Munich pour s'opposer à ces expulsions vers l'Afghanistan, a constaté un photographe de l'AFP.

Cinq États régionaux allemands sur 16 ont décidé de suspendre ces renvois, arguant du danger persistant dans le pays.

«La situation en Afghanistan s'est clairement dégradée l'an passé», avec une recrudescence des violences entre forces gouvernementales et insurgés islamistes, a souligné mercredi Markus Beeko, secrétaire général d'Amnesty International Allemagne.

Bras droit d'Angela Merkel à la chancellerie, Peter Altmaier a défendu les expulsions: «Il y a des millions de personnes en Afghanistan qui vont de façon tout à fait normale à l'école, au travail, qui mènent une vie de famille normale, certainement pas aussi bien qu'en Allemagne mais il y a beaucoup de régions et de villes où on peut vivre en sécurité».

En 2016, 80 000 personnes ont été renvoyées d'Allemagne ou ont quitté le pays volontairement, contre 50 000 l'année précédente.