L'opposant numéro un au Kremlin, Alexeï Navalny, a été condamné mercredi à cinq ans de prison avec sursis pour détournement de fonds dans une affaire qui risque d'entraver ses ambitions présidentielles pour 2018.

Le tribunal de Kirov, à 900 km à l'est de Moscou, a reconnu l'opposant et blogueur anticorruption coupable du détournement en 2009 de quelque 400 000 euros au détriment d'une société publique d'exploitation forestière alors qu'il était consultant du gouverneur libéral de la région.

M. Navalny, qui dénonce un procès monté de toutes pièces par le Kremlin pour l'éloigner de la scène politique, a annoncé qu'il ferait appel de cette décision devant les plus hautes instances et qu'il restait déterminé à se présenter en 2018.

Son avenir politique reste flou. Il dépend de l'interprétation de la Constitution et de la loi électorale, la première stipulant que quiconque peut être candidat s'il n'est pas en détention, la seconde que tout candidat doit avoir purgé sa peine, qu'elle soit ferme ou avec sursis.

«Nous mènerons notre campagne électorale malgré ce qu'il se passe dans ce tribunal», a martelé M. Navalny devant les journalistes juste après la lecture de la décision par le juge.

«Dès demain, le Kremlin va commencer à chanter sa mélodie selon laquelle je n'ai pas le droit de prendre part à la campagne. Mais il est écrit dans la Constitution que tous ceux qui ne se trouvent pas en prison ont le droit de se présenter», a poursuivi l'opposant.

Selon la loi, ne peuvent se présenter les candidats ayant commis des «crimes graves» et purgeant encore une peine le jour du scrutin.

M. Navalny avait déjà été condamné en 2013 à la même peine dans cette affaire. Mais en février 2016, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait jugé cette décision «arbitraire», estimant qu'on pouvait «fortement craindre» que les poursuites contre les accusés et leur condamnation aient été «de nature politique».

La Cour suprême russe a ensuite annulé en novembre cette condamnation et renvoyé l'affaire en première instance.

Selon l'avocate de M. Navalny, Olga Mikhaïlova, la justice, prenant en compte le temps passé entre la première condamnation et le renvoi de l'affaire en 2016, considère que la peine avec sursis sera levée dans dix-huit mois.

La présidentielle étant prévue au printemps 2018, Alexeï Navalny ne pourrait cependant pas être candidat dans ce cas de figure.

Mais sa défense rappelle que la Constitution autorise de son côté toute personne ne se trouvant pas en prison à se présenter aux élections.

«Nous percevons cette décision (de justice) comme un message du Kremlin, qui nous juge, moi et mon équipe, mes électeurs, trop dangereux», a déclaré M. Navalny.

Ambitions présidentielles

En octobre 2013, M. Navalny a obtenu le score honorable de 27,2% à l'élection municipale à Moscou remportée sans surprise par le maire sortant proche du Kremlin, s'imposant de manière durable comme l'opposant numéro un au Kremlin.

Libéral et favorable à un rapprochement avec les Occidentaux, il a aussi régulièrement participé à des rassemblements aux relents xénophobes comme la Marche russe, et avait été exclu en 2007 du parti d'opposition libéral Iabloko pour ses prises de position nationalistes.

A 40 ans, il est un habitué des procès, a été arrêté sept fois entre 2012 et 2014 et a fait plusieurs allers-retours en prison ou a été assigné à résidence, généralement pour participations à des rassemblements non autorisés.

Fin 2014, il a été condamné à trois ans et demi de prison avec sursis et son frère Oleg à la même peine, mais ferme, dans une affaire de détournement de près de 400 000 euros au détriment d'une filiale russe de la société française Yves Rocher.

Blogueur spécialisé dans les révélations et enquêtes sur le patrimoine caché, souvent très important, de hauts fonctionnaires ou proches du pouvoir, M. Navalny a toujours rejeté les accusations dont il a fait l'objet.

«Défendre ses idées devient encore un peu plus difficile, mais pour une personne honnête, cela ne mène qu'à une seule chose: on défend ses idées et ses droits avec encore plus de conviction», a-t-il déclaré mercredi sur son blogue.