Le gouvernement de Theresa May devra obtenir l'approbation du parlement avant de lancer les négociations de sortie de l'Union européenne, a tranché mardi la Cour suprême britannique, jugeant cependant la consultation des parlements régionaux inutile.

«Par une majorité de 8 contre 3, la Cour suprême a statué que le gouvernement ne pouvait pas activer l'article 50 (du Traité de Lisbonne) sans une loi votée au parlement l'autorisant à le faire», a énoncé le président de la Cour David Neuberger, infligeant un revers à la première ministre.

Cette dernière a immédiatement réagi en affirmant que la décision de la cour ne changeait rien à son agenda.

«Les Britanniques ont voté pour quitter l'UE et le gouvernement leur donnera satisfaction en activant l'article 50 avant la fin mars, comme prévu. Le jugement d'aujourd'hui n'y change rien», a déclaré un de ses porte-parole dans un communiqué.

Les onze juges ont par ailleurs décidé à l'unanimité qu'il était inutile de consulter les parlements régionaux d'Écosse, du Pays de Galles et d'Irlande du Nord, suscitant la déception de la première ministre d'Écosse Nicola Sturgeon dont la région avait voté pour rester dans l'UE.

Celle-ci a annoncé dans un communiqué qu'elle présentera une «motion législative» pour s'assurer que «le parlement écossais (aura) l'opportunité de voter» sur l'activation de l'article 50.

David Greene, l'avocat du coiffeur Deir Dos Santos, l'un des plaignants à l'origine du recours contre la décision initiale du gouvernement de se passer de l'avis du Parlement, a qualifié la décision des juges de «victoire pour la démocratie et l'État de droit».

Pour la gestionnaire de fonds Gina Miller, une autre plaignante, le choix fait par la cour «crée une certitude juridique fondée sur notre processus démocratique».

Elle s'est par ailleurs déclarée une nouvelle fois «choquée» par les menaces et les insultes racistes dont elle a été victime pour avoir déposé son recours, alors que le sujet du Brexit continue de diviser profondément les Britanniques.

La décision de la Cour «ne change rien»

Si la première ministre conservatrice ne dispose que d'une étroite majorité à la Chambre des Communes, elle ne devrait néanmoins pas avoir de difficultés à faire voter le parlement en faveur du déclenchement des négociations, le Labour, principal parti d'opposition, ayant répété mardi sa promesse de ne pas le bloquer.

«Le Labour ne va pas compromettre le processus d'activation de l'article 50», a affirmé le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn, dans un communiqué.

Robert Hazell et Alan Renwick, deux experts du centre de recherche sur les changements constitutionnels, rattaché à l'University College de Londres, estiment que «le gouvernement va présenter un projet de loi succinct, avec probablement juste une ou deux clauses, qu'il va chercher à faire adopter en urgence».

«Le Brexit ne va pas être stoppé par la décision de la Cour» mais «les députés et lords pourraient utiliser les débats (...) pour contraindre le gouvernement à faire des rapports réguliers sur les progrès dans les négociations devant le parlement», jugent-ils.

Néanmoins, le choix d'un Brexit «dur» énoncé la semaine dernière par Theresa May pourrait susciter une certaine résistance de députés qui, tout en admettant qu'une sortie de l'UE est inéluctable, ne sont pas disposés à lui donner leur blanc-seing.

Jeremy Corbyn a ainsi annoncé dès dimanche que son parti allait «déposer des amendements demandant des garanties sur un accès au marché unique et sur la protection des droits» des travailleurs. Une petite frange des travaillistes pourrait même voter contre le lancement des négociations pour s'opposer à une sortie du marché européen.

Mardi, M. Corbyn a affirmé que son parti ne laisserait pas le Royaume-Uni devenir un paradis fiscal face à la menace brandie par Theresa May de baisser la taxation des entreprises si elle n'obtient pas l'accord commercial qu'elle souhaite de l'UE.

Le Parti national écossais (SNP) de Mme Sturgeon, fort de 54 députés sur les 650 que compte la Chambre des Communes, compte également déposer «50 amendements» au projet de loi gouvernemental.

La semaine dernière, Mme May avait promis qu'elle soumettrait au parlement le résultat final des négociations avec Bruxelles mais certains parlementaires craignent qu'il ne soit alors trop tard pour faire entendre leur voix.