Le groupe État islamique (EI) a revendiqué mardi soir l'attentat au camion-bélier de Berlin qui a fait 12 morts et dont l'auteur est toujours en fuite, après la libération par les autorités allemandes du seul suspect.

«Un soldat de l'EI a commis l'opération de Berlin en réponse aux appels à cibler les ressortissants des pays de la coalition internationale» anti-EI, a indiqué Amaq, l'agence de propagande du groupe djihadiste.

Il s'agit de l'attentat le plus grave commis sur le sol allemand dont l'EI a endossé la responsabilité.

Le carnage sur le marché de Noël survenu lundi soir survient dans une Allemagne jusqu'alors épargnée par les attentats de grande ampleur. Outre les 12 morts, l'attentat a fait 48 blessés, dont 24 restaient hospitalisées mardi soir. Le drame a été qualifié d'« acte terroriste » par la chancelière Angela Merkel 

Sur ce total, quatorze sont toujours en danger de mort, a indiqué dans la soirée le ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière, selon lequel d'autres décès «ne sont pas à exclure».

Les autorités allemandes n'ont pas immédiatement authentifié la revendication de l'EI mais selon le parquet antiterroriste «la cible choisie et le mode opératoire peuvent faire penser» à une attaque islamiste.

Les faits rappellent en effet l'attentat au camion-bélier du 14 juillet à Nice en France, soir de la fête nationale (86 morts).

Le suspect libéré

Les autorités allemandes ont annoncé mardi soir la libération du seul suspect de l'attentat au camion-bélier qui a fait 12 morts, et elles n'ont évoqué dans l'immédiat aucune piste pour retrouver l'auteur des faits en fuite depuis la veille. Il s'agit d'un demandeur d'asile pakistanais.

 

« Les résultats de l'enquête n'ont à l'heure actuelle pas mis au jour d'éléments confirmant des soupçons » à son encontre, a expliqué le parquet fédéral dans un communiqué, « les expertises de la police scientifique et technique n'ont pas pu établir jusqu'à présent la présence du suspect dans la cabine du poids lourd ».

Plus tôt, policiers et procureurs avaient déjà dû admettre que l'individu, arrivé en Allemagne fin 2015, n'était sans doute pas l'auteur des faits.

« Nous avons probablement un dangereux criminel dans la nature », avait déclaré dans l'après-midi le chef de la police berlinoise, Klaus Kandt.

Les craintes de la population berlinoise restent donc grandes au lendemain de l'attentat et les mesures de sécurité ont été renforcées dans la ville. Les enquêteurs n'ont par ailleurs évoqué publiquement aucune autre piste que celle du migrant pakistanais.

La personne présentée comme un suspect avait été arrêtée peu après les faits, survenus lundi vers 19 h GMT (14 h à Montréal) sur une place très touristique de Berlin. Il avait été poursuivi à pied sur deux kilomètres par un témoin qui guidait la police par téléphone, indique le quotidien Die Welt

photo Martin Meissner, Associated Press

Des policiers lourdement armés patrouillent dans le marché de Noël de Dortmund, au lendemain du drame qui a secoué Berlin, le 20 décembre.

« Rouler sur les gens »

Avant ce coup de théâtre, Angela Merkel avait jugé « particulièrement difficile d'imaginer » la possible implication d'un demandeur d'asile, alors que les critiques sur sa politique migratoire redoublent.

« Ce sont les morts de Merkel ! », a dénoncé l'un des responsables du parti de droite populiste Alternative pour l'Allemagne (AfD), Marcus Pretzell.

« L'Allemagne n'est plus sûre » face « au terrorisme de l'islamisme radical », a renchéri la figure de proue du mouvement, Frauke Petry, en mettant en cause la décision de la chancelière d'ouvrir le pays à l'été 2015 à près de 900 000 demandeurs d'asile fuyant guerre et misère. Environ 300 000 supplémentaires sont arrivés en 2016.

Le ministre de l'Intérieur, Thomas de Maizière, a jugé « odieuses » ces accusations mardi soir dans un entretien au site du quotidien Bild.

Mme Merkel s'est rendue dans l'après-midi avec certains ministres sur les lieux du drame pour participer à une minute de silence et parcourir le site recouvert de débris.

Dans la soirée, elle et une partie de son gouvernement ont participé à une cérémonie dans l'église voisine du marché de Noël. La porte de Brandebourg a été illuminée dans la soirée aux couleurs de l'Allemagne et de Berlin. Une minute de silence sera observée mardi et mercredi dans tous les stades de Bundesliga.

Le carnage s'est déroulé au pied de l'église du Souvenir, monument phare de l'ouest de la capitale allemande au clocher éventré par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Le camion, pare-brise détruit par les chocs, a été enlevé mardi matin.

Le poids lourd « a littéralement pulvérisé la première baraque de bois », a raconté à la chaîne N1 une Bosnienne installée à Berlin, Lana Sefovac, qui prenait un verre avec ses parents. « Il voulait rouler sur les gens ».

Sept corps identifiés

Frôlés par le semi-remorque à grande vitesse, ses parents sont tombés, mais ont réussi à se relever. « Nous tentions tous de retrouver nos proches et amis. Une minute plus tôt, on buvait du vin chaud ensemble, et juste après ils gisaient en sang sur le sol ».

Parmi les victimes décédées, six sont allemandes, selon la police. Les identifications des autres se poursuivent.

Par ailleurs, un autre mort, retrouvé dans la cabine du camion, est un ressortissant polonais tué par balle, le chauffeur en titre du véhicule à qui il a sans doute été volé par l'auteur de l'attentat.

Les réactions de solidarité se sont multipliées, de la France aux États-Unis, alors que l'Europe est régulièrement la cible d'attentats revendiqués par des groupes djihadistes. Mme Merkel s'est entre autres entretenue mardi avec les présidents français, turcs et américain ainsi que ses homologues grec et espagnol.

L'utilisation de véhicules, notamment de camions, pour foncer dans des foules de « mécréants » est préconisée de longue date par des djihadistes, comme c'était déjà le cas à Nice, une attaque revendiquée par le groupe État islamique.

L'Allemagne avait été jusqu'ici épargnée par des attaques d'ampleur, mais plusieurs attentats ont été récemment commis par des personnes isolées.

L'EI a revendiqué en juillet deux attentats séparés qui ont fait plusieurs blessés. Ils ont été commis par un Syrien de 27 ans et un demandeur d'asile de 17 ans, probablement afghan.

photo Maurizio Gambarini, dpa/Associated Press

La chancelière allemande Angela Merkel arrive au marché de Noël de Berlin pour rendre hommage aux victimes, le 20 décembre.

Le camionneur polonais avait des traces de coups

par Michel VIATTEAU

Le ressortissant polonais retrouvé mort dans la cabine du camion à l'origine de l'attentat de Berlin était bien le conducteur du véhicule et son corps portait des traces de coups, a assuré le transporteur pour qui il travaillait.

L'homme de 37 ans, qui laisse une femme et un fils de 17 ans, était un costaud de 120 kilos (environ 265 lb), mesurant 183 centimètres (6 pieds), a dit aux médias polonais Ariel Zurawski, patron d'une société de transports installé près de Gryfino, dans le nord-ouest de la Pologne. « Une seule personne n'aurait pas eu raison de lui ». Le mort était son cousin, qu'il connaissait depuis l'enfance.

Zurawski avait été appelé dans la nuit par la police polonaise pour identifier la victime sur une photo. « On y voyait des traces de coups, il était évident qu'il s'était battu. Son visage était ensanglanté, tuméfié. Il y avait une blessure à l'arme blanche », a-t-il raconté, confiant qu'il avait eu du mal à regarder l'image. « La police m'a dit qu'il y avait aussi une blessure par balle ».

La famille du conducteur est sous le choc. Son père a été emmené à l'hôpital par ambulance, alors qu'il savait seulement que quelque chose de grave était arrivé à son fils. 

Sa femme s'est rendue à la police, mais on lui a épargné la vue de la photo. « C'est une personne d'une grande force », a dit M. Zurawski. « Elle est allée travailler aujourd'hui à Szczecin, car elle avait un appel d'offres important à traiter ».

Il a insisté à plusieurs reprises sur un malheureux concours de circonstances ayant abouti à la mort de son employé. Ce dernier, sur la route depuis une semaine et demie, est arrivé à Berlin d'Italie en transportant 24 tonnes d'éléments en acier. Il aurait dû normalement les décharger tout de suite comme prévu, mais la société destinataire a remis l'opération au lendemain.

« Il voulait rentrer à tout prix jeudi au plus tard, pour acheter un cadeau à sa femme », a encore raconté l'entrepreneur.

Il a donc stationné devant l'entrepôt du client, a dit le transporteur.

Le conducteur a eu le dernier contact téléphonique avec sa femme vers 15 h. Ils ont parlé peu, car elle était encore au travail, et devaient se reparler une heure plus tard. Mais à 16 h il ne répondait plus au téléphone. Par la suite, a raconté M. Zurawski, on a découvert grâce à son système GPS, que le camion a été mis en marche vers 15 h 45, mais n'est pas parti, ne faisant que des petits mouvements en avant et en arrière « comme si quelqu'un apprenait à le conduire ».

« Inspecteur »

Son patron a alors compris que « quelque chose de mauvais » était arrivé, car le conducteur observait toujours scrupuleusement la pause imposée par la loi. « Dans la boîte, on l'appelait "Inspecteur", tellement il était strict. C'était un homme bon ».

Le semi-remorque était muni d'une boîte automatique, il était facile à conduire. Il a quitté son stationnement vers 19 h 40, faisant un parcours de dix kilomètres environ jusqu'au marché de Noël. « Peut-être quelqu'un pilotait le conducteur », pense le transporteur, car « il n'est pas facile de faire un tel parcours dans Berlin » sans se perdre. 

Le parquet national polonais a ouvert une enquête sur « le meurtre d'un citoyen polonais dans le but d'appropriation d'un semi-remorque et de son utilisation pour attaquer un groupe de personnes sur un marché de Noël à Berlin », délit pour lequel la peine maximale est la prison à vie.

La nouvelle du meurtre du camionneur a bouleversé les milieux des routiers polonais.

« Nous sommes tous sous le choc », a déclaré à l'AFP Anna Wrona, porte-parole de leur fédération ZMPD qui a lancé une cagnotte pour la famille de la victime.

photo Hannibal Hanschke, REUTERS

Des Berlinois allument des bougies et déposent des fleurs afin de rendre hommage aux victimes de l'attentat, au marché de Noël de la capitale allemande, le 20 décembre.


Fausse alerte à la gare de Cologne

La gare de Cologne dans l'ouest de l'Allemagne a été brièvement évacuée mardi soir après un coup de téléphone faisant état de la présence d'une bombe, une alerte qui s'est révélée sans fondement, a indiqué un porte-parole de la police de la ville à l'AFP.

« La gare Centrale de Cologne a été évacuée à la suite de la menace de la présence d'une bombe. Les trains ont été arrêtés », a indiqué ce porte-parole, précisant que la police avait reçu « un appel » de menace vers 17 h GMT (midi à Montréal).

Mais aucune menace n'a été constatée et l'alerte a été levée en début de soirée, a indiqué par la suite ce porte-parole.