En briguant un quatrième mandat, Angela Merkel aborde certes en favorite «la campagne électorale la plus difficile» depuis des décennies en Allemagne, mais affaiblie dans ses propres rangs par sa politique d'accueil des réfugiés.

La chancelière reste sans concurrent dans son parti, et personne actuellement chez les sociaux-démocrates du SPD ne semble en mesure de l'empêcher de se maintenir à la chancellerie après les législatives de 2017.

Réélue à la tête de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) mardi lors d'un congrès des militants à Essen (ouest), Angela Merkel n'a rassemblé «que» 89,5% des voix.

Jamais la dirigeante de 62 ans, qui bat des records de longévité parmi les leaders occidentaux, n'avait enregistré un score aussi bas depuis qu'elle est devenue chancelière en 2005, caracolant encore il y a deux ans à près de 97% des voix.

«Ce résultat comparativement mauvais (...) montre que le contrat (entre Merkel et son parti) ne se conclut plus sans réserve», diagnostique le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) à l'heure où elle a vise un quatrième mandat.

Gros remous

Pour la plupart des commentateurs, la chancelière paie le prix de sa politique migratoire. En ouvrant grand les portes de l'Allemagne en 2015 à quelque 900.000 demandeurs d'asile, essentiellement musulmans, elle a provoqué de gros remous dans les rangs de sa formation conservatrice dont l'ancrage chrétien constitue l'ADN.

Elle a déstabilisé un partie des militants alors que la droite populiste emmenée par l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) vole de succès en succès en multipliant les attaques verbales contre l'islam.

«Ce n'est pas un désastre mais cela montre qu'elle a perdu de la confiance et qu'elle ne l'a pas encore complètement regagnée», assure également l'éditorialiste de l'hebdomadaire Der Spiegel.

La chancelière a vu sa popularité plonger en 2015 en raison de sa politique d'accueil des réfugiés, pour beaucoup des Syriens ou Irakiens fuyant la guerre. Elle a depuis inversé la tendance, et semble vouloir consolider ses soutiens à droite.

Mardi, Mme Merkel a martelé son opposition à tout nouvel afflux de migrants, plaidé pour une accélération des expulsions des demandeurs d'asile déboutés et proclamé son soutien à une interdiction partielle du port du voile intégral, mesure symbolique face à un phénomène marginal en Allemagne.

Car à la CDU les 12% à 13% d'intentions de vote pour l'AfD inquiètent. Le parti siège déjà dans plus de la moitié des parlements régionaux et son entrée au Bundestag l'an prochain semble presque acquise, un événement qui serait inédit depuis la chute du régime nazi.

Alliance exclue avec l'AfD

Cette nouvelle donne risque en outre de gêner Mme Merkel dans la constitution d'une nouvelle coalition gouvernementale. Si la CDU est créditée de 37% des voix, elle exclut toute alliance avec la droite populiste et pourrait dès lors à nouveau être contrainte à une grande coalition de circonstance avec le SPD.

Les militants conservateurs ont «peur d'un parti qui s'est développé à la droite de la CDU, l'AfD», constate le quotidien Süddeutsche Zeitung et le discours de Merkel «signifie: j'ai compris».

À la tribune, certains militants ne se sont pas gênés pour exprimer leur défiance. Un responsable de la CDU en Hesse (ouest), Christean Wagner, lançant «je souhaiterais qu'on regarde vraiment la réalité en face, qu'on se demande où nous pouvons devenir meilleurs».

Un autre délégué assurait lui que l'islam ne faisait pas partie de l'Allemagne, pays qui compte pourtant quelque 4 millions de musulmans (soit 5% de la population), et ce alors que Mme Merkel ne cesse d'affirmer le contraire.

Le congrès est aussi passé outre la direction de la CDU en votant une motion appelant à la suppression de l'octroi automatique de la double nationalité aux enfants de parents étrangers. Cette mesure avait été mise en place en 2014 à la suite d'un compromis avec le SPD.

Face à cette grogne et à la menace populiste, la chancelière a répété s'attendre à une campagne électorale délicate, «la plus difficile» depuis la Réunification en 1990 et son entrée en politique.

Elle a d'ailleurs lancé cet appel aux militants: «Vous devez m'aider!»