Ils rêvaient de Grande-Bretagne: les mineurs de la «Jungle» de Calais, placés dans des centres d'hébergement après l'évacuation du camp de migrants il y a près d'un mois, attendent l'issue des négociations avec des Britanniques qui semblent durcir le ton.

Le 24 octobre débutait le démantèlement du vaste bidonville situé près du port de Calais, face aux côtes anglaises. Plus de 7000 migrants en majorité afghans, érythréens et soudanais, dont un peu plus de 1900 mineurs, ont été évacués en quelques jours pour être relogés dans des centres d'accueil sur l'ensemble du territoire français.

L'emplacement de l'ancien camp, qui offrait il y a un mois le paysage d'une ruche grouillante de monde, a laissé la place à une lande vide battue par les vents, sans migrant et sous bonne garde des forces de l'ordre.

À 500 mètres de là, le port, premier port de France en passagers et deuxième européen, a retrouvé des couleurs. Il enregistre une hausse de plus de 10 % du trafic depuis le début du mois de novembre, avec le retour des transporteurs routiers.

Pourtant, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Calais, subsiste un autre camp, celui de Grande-Synthe.

Cette structure officielle, ouverte en mars par l'organisation Médecins sans frontières et la mairie de Grande-Synthe, aujourd'hui soutenue par l'État, accueille encore un millier de migrants et doit composer avec des bandes de passeurs parfois violents.

Aucune date de fermeture n'a été fixée, mais le camp, d'une capacité initiale de 1500 places, ne doit plus accueillir de migrants supplémentaires, même femmes et enfants.

Critères restrictifs

Les mineurs partis de Calais, eux, patientent dans les centres d'accueil où ils ont déposé une demande de transfert vers la Grande-Bretagne, en attendant qu'elle soit examinée par les autorités britanniques.

Londres s'est engagé à accueillir «tous les mineurs isolés (qui étaient) présents à Calais dont les attaches familiales sont établies» et à «étudier» les dossiers de ceux «dont l'intérêt supérieur serait de rejoindre ce pays», selon le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Au total, un peu plus de 300 jeunes ont pu traverser la Manche depuis mi-octobre. Mais le curseur a peu bougé après le démantèlement.

Londres a fixé, mi-novembre, des critères plutôt restrictifs: avoir 12 ans ou moins, ou être exposé à un risque élevé d'exploitation sexuelle, ou bien avoir 15 ans ou moins pour les Syriens ou Soudanais, ou encore avoir moins de 18 ans et accompagner un frère ou une soeur remplissant l'un des trois premiers critères.

Ultime condition, être arrivé en Europe avant le 20 mars et sur la «Jungle» au plus tard le 24 octobre, date de début du démantèlement.

Posture de négociation à l'heure du Brexit ou porte en train de se fermer? «Ils reviennent sur leur promesse», pour «trouver une manière de n'accueillir qu'une poignée d'enfants», a estimé le membre travailliste de la Chambre des Lords Alf Dubs, à l'origine d'un amendement réclamant l'accueil d'enfants réfugiés.

Côté français, on note aussi un «durcissement des conditions»: une «mauvaise nouvelle» qu'on «peut regretter», estime une source proche du dossier.

Londres se serait engagé à prendre «600 mineurs» en tout, mais guère plus, ajoute une autre source.

Toute la question est de savoir ce qu'il adviendra des recalés du rêve britannique.

«Il y a un risque qu'ils reviennent vers Calais ou Paris», redoute Christian Salomé, de l'association d'aide l'Auberge des migrants, avec «davantage de prise de risques, ou plus de recours aux passeurs» pour gagner le Royaume-Uni. En effet les mineurs ayant accepté d'aller dans des centres d'accueil «ont pris ça pour la certitude qu'ils passeraient» côté britannique, ajoute-t-il.

C'était le rêve de 95 % des mineurs installés dans la «Jungle» avant le démantèlement, selon un recensement de France terre d'asile. Et sans doute aussi celui des jeunes arrivés ensuite, mineurs ou non.