Pressées d'en finir avec la «Jungle» de Calais, les autorités françaises ont posé jeudi un ultimatum aux derniers migrants campant encore dans le bidonville dévasté pour qu'ils acceptent leur transfert dans les centres d'accueil ouverts loin des côtes anglaises.

Le sort des enfants restait le plus préoccupant jeudi soir, plusieurs dizaines d'entre eux n'ayant pas pu être pris en charge sur place dans le centre d'accueil provisoire, saturé depuis mercredi.

Environ 200 d'entre eux ont passé la nuit de mercredi à jeudi dans le froid, comme des dizaines d'autres migrants qui s'accrochent encore à l'espoir de gagner l'Angleterre.

Le gouvernement britannique, à la suite de plusieurs ONG, a pressé jeudi soir la France de protéger les mineurs.

Selon un communiqué du gouvernement, la ministre britannique de l'Intérieur Amber Rudd s'est entretenue avec son homologue français Bernard Cazeneuve pour «insister sur le besoin des enfants qui se trouvent toujours à Calais d'être protégés comme il se doit».

En réponse, M. Cazeneuve et la ministre française du Logement, Emmanuelle Cosse, ont exprimé leur «surprise» dans un communiqué commun.

«Ces personnes (...) poursuivaient un projet migratoire d'installation au Royaume-Uni» et la France «a assumé ses responsabilités dans un esprit de solidarité et sans jamais se dérober», ont rappelé les deux ministres.

Ils «souhaitent» que le Royaume-Uni «prenne rapidement ses responsabilités et accueille ces mineurs, qui souhaitent être transférés au Royaume-Uni».

Par ailleurs, les autorités françaises craignent que le dispositif exceptionnel de prise en charge ne crée un appel d'air.

«Hier soir, on a commencé à voir arriver des migrants d'Allemagne, de Paris et d'ailleurs», attirés par la perspective d'un logement en dur et d'un accompagnement dans leurs démarches de demande d'asile, a déclaré jeudi la représentante de l'État Fabienne Buccio.

Mais selon des associations, entre 2000 et 3000 migrants ont fui la «Jungle» avant même son démantèlement pour s'installer ailleurs dans la région ou à Paris.

«Le dispositif de l'État correspond à une partie des besoins des migrants, mais pas à ceux qui veulent passer en Angleterre, ceux qui ont été déboutés du droit d'asile et ceux dont les empreintes ont été prises dans un autre pays», les forçant en théorie à y retourner, a expliqué François Guennoc, vice-président de l'association L'Auberge des migrants.

Ces personnes vont «finir par revenir» dans la région, a ajouté M. Guennoc.

Pour les dizaines d'autres qui campent encore dans le bidonville, des travailleurs sociaux accompagnés de traducteurs sont allés les voir jeudi pour les convaincre de rejoindre le dispositif, a indiqué Mme Buccio.

Celui-ci a déjà permis la prise en charge de 6000 migrants. «C'est la dernière proposition», après ils pourront «être contrôlés et ils s'exposent à des risques», comme celui d'être placés en centre de rétention avant leur expulsion, font valoir les autorités.

Le sort des mineurs

Jeudi, huit autocars transportant en tout 226 majeurs et 16 mineurs sont encore partis de Calais, selon l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Ils s'ajoutent aux quelque 6000 personnes prises en charge depuis lundi: 4500 personnes transférées vers des centres situés dans différentes régions, et 1500 mineurs logés au centre d'accueil provisoire aménagé sur place dans des conteneurs.

Les gros travaux de déblaiement du camp ont commencé et seront terminés lundi soir, a assuré Mme Buccio.

Symbole de la difficulté de l'Union européenne à faire face à la crise migratoire, le plus grand bidonville de France abritait encore la semaine dernière 6400 personnes selon les autorités, principalement venues du Soudan, d'Erythrée et d'Afghanistan, 8100 selon les associations.

En partant, certains ont incendié leurs abris de fortune et le feu s'est propagé mercredi dans tout le camp.

Parmi les derniers migrants croisés sur place, beaucoup se disent mineurs et espèrent pouvoir gagner l'Angleterre en vertu des règles européennes sur le regroupement familial. En bénéficient ceux qui ont un proche outre-Manche et une disposition britannique sur les migrants «vulnérables» concerne les autres.

«Aujourd'hui et dans les jours à venir, les autorités doivent garantir la protection et l'intérêt supérieur de chaque enfant», a demandé l'Unicef. Après autant de progrès «pour les mettre en sécurité, il serait inacceptable que des enfants passent au travers des mailles du filet».