La bataille de l'avortement reprend en Pologne avec une offensive des partisans de son interdiction totale : le Parlement, où les conservateurs catholiques sont majoritaires, se penche jeudi sur leur proposition de loi.

Le texte prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de réclusion pour les personnes qui pratiquent l'IVG, y compris les femmes.

Le comité « Stop Avortement » des organisations pro-vie, en mode attaque depuis la victoire électorale du parti Droit et Justice (PiS) en octobre, veut aller jusqu'au bout, alors que la loi anti-avortement actuelle, fruit d'un compromis difficile obtenu en 1993, est déjà classée parmi les plus restrictives dans l'Union européenne.

La loi en vigueur autorise l'IVG dans trois cas : risque pour la vie ou la santé de la mère, examen prénatal indiquant une grave pathologie irréversible chez l'embryon et grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste.

Conséquence, moins de 2000 avortements légaux sont pratiqués chaque année en Pologne. Le nombre des IVG clandestines ou pratiquées à l'étranger reste inconnu. Les organisations de défense des droits des femmes le situent entre 100 000 et 150 000, « un mythe », selon les activistes des mouvements pro-vie.

Ils sont appuyés par l'Église catholique, toujours très influente en Pologne, mais pas à 100 % : les évêques se sont prononcés contre une peine de prison pour les femmes qui avortent.

Un demi-million de signatures

Les promoteurs du texte d'initiative populaire ont réuni plus d'un demi-million de signatures pour l'appuyer - alors que 100 000 auraient suffi pour le proposer aux députés.

Tout en punissant ceux qui pratiquent l'IVG, leur proposition de loi fait obligation à l'État et aux collectivités locales de soutenir les femmes et les familles qui élèvent des enfants handicapés et ceux nés des suites d'un viol ou d'un inceste.

« Nous espérons que le texte sera adopté vite, dans les plus brefs délais et qu'il entrera en vigueur avant la fin de l'année », a déclaré à l'AFP Sylwia Zborowska, du Centre d'initiatives pour la vie et la famille, une des organisations non gouvernementales à l'origine de la proposition.

L'optimisme des militants pro-vie est fondé sur un antécédent. Le PiS, aujourd'hui au pouvoir, avait soutenu sans faille un projet similaire dans le Parlement précédent, dominé alors par les partis centristes qui l'avaient rejeté en première lecture.

Mais aujourd'hui le PiS, tout en approuvant l'idée générale, semble hésiter à apporter son appui officiel en tant que parti à la proposition de loi. Ainsi, il applique la règle de liberté du choix personnel de ses députés dans les questions éthiques.

Certains de ses responsables apprécient la longue trêve conclue en 1993 et craignent un retour du balancier en cas de retour des centristes au pouvoir, autrement dit l'adoption à terme d'une loi libérale promue par les organisations pro-choix.

« Sauvons les femmes »

Ces dernières ne se donnent d'ailleurs pas pour battues, même si la composition du Parlement actuel ne devrait pas les inciter à l'optimisme.

Elles ont créé un comité baptisé « Sauvons les femmes » et déposé une proposition de loi permettant de pratiquer l'avortement sans condition jusqu'à la 12e semaine de la grossesse, et, après ce délai, dans les cas autorisés par la loi actuelle. Environ 215 000 signatures ont été rassemblées à l'appui de cette initiative.

Le Parlement polonais aura à débattre aussi en même temps d'un projet de loi présenté par un groupe de députés qui vise à limiter strictement la pratique de la fécondation in vitro. Il interdit notamment la congélation des embryons, considérés par ses promoteurs comme des êtres humains dès la pénétration du spermatozoïde dans l'ovule, avant même son implantation dans l'utérus. Il impose aussi qu'un seul ovule soit fécondé à la fois, ce qui réduirait considérablement les chances de succès du procédé.