Un gigantesque incendie, apparemment volontaire, a ravagé lundi le camp de réfugiés et migrants de Moria, à Lesbos, pratiquement six mois jour pour jour après l'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie prévoyant le renvoi en Turquie des arrivés depuis le 20 mars.

Aucune victime n'était rapportée en début de nuit, mais le feu a «presque entièrement détruit» les tentes dans le camp, et les containeurs servant d'hébergement ou de bureaux ont été endommagés, a indiqué une source policière à l'AFP.

Des milliers de personnes ont dû fuir dans les champs alentour pour échapper au feu.

«Entre 3000 et 4000 migrants ont fui le camp de Moria», a déclaré à l'AFP cette source policière, soulignant que des vents puissants attisant les flammes ont rendu la situation «difficile» à maîtriser, dans un premier temps.

Elle a indiqué n'avoir «aucun doute» sur le fait que l'incendie avait été allumé volontairement par des migrants.

Les pompiers ont dans un premier temps eu du mal à intervenir en raison de bagarres ayant éclaté dans le camp entre groupes rivaux de nationalités différentes, selon des sources concordantes.

Une fois à l'intérieur, ils ont néanmoins réussi à maîtriser le feu.

La police est ensuite partie à la recherche des migrants, et plusieurs centaines ont regagné le camp.

Environ 150 mineurs qui y étaient hébergés ont été évacués vers un camp réservé aux enfants sur l'île, a ajouté cette source.

Les incidents sont fréquents dans ce camp alors que sont entassés à Lesbos, et notamment à Moria, 5650 réfugiés et migrants, pour 3500 places d'hébergement, selon les statistiques publiées lundi par le gouvernement.

La plupart de ces personnes sont bloquées là depuis l'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie le 20 mars, prévoyant le renvoi systématique en Turquie des arrivés depuis cette date.

Mais la grande majorité ont demandé l'asile en Grèce et doivent attendre sur l'île l'issue de leur démarche, ce qui peut prendre des mois.

Seules 502 personnes ont été renvoyées en Turquie au terme de cet accord depuis le 20 mars.

Bagarres mortelles 

C'est cependant une rumeur selon laquelle les retours allaient brutalement s'intensifier qui serait à l'origine des violences de la journée, selon l'agence de presse grecque ANA.

Deux incendies avaient éclaté dans les champs d'oliviers près de Moria, et avaient été maîtrisés, avant que n'éclate celui de la soirée à l'intérieur même du camp.

La tension est grande aussi sur les autres îles d'arrivée des réfugiés (Chios, Samos, Leros, Kos...). Au total sur toutes les îles d'arrivée, Lesbos comprise, il y avait lundi 13 536 personnes pour 7450 places.

Il y a désormais plus de 60 000 migrants et réfugiés en Grèce. Ceux qui ne sont pas sur les îles, consignés en vertu de l'accord UE-Turquie, sont généralement coincés en Grèce continentale par la fermeture de la frontière macédonienne début mars.

Ceux-là attendent également l'asile, soit en Grèce, soit dans un autre pays européen par voie de relocalisations, dont le nombre est environ dix fois inférieur aux promesses.

Les groupes de défense des droits de l'Homme ont critiqué à de multiples reprises les conditions dans les camps de migrants grecs, et notamment leur surpopulation et souvent des conditions de vie peu hygiéniques.

Les bagarres, parfois mortelles, y sont fréquentes entre migrants anxieux sur leur sort.

L'incendie de Moria se produit alors qu'au même moment les 193 pays de l'ONU promettaient à New York de tenter d'améliorer le sort de millions de réfugiés dans le monde, mais sans se fixer d'objectifs chiffrés.

Le premier ministre grec Alexis Tsipras a souligné lors de ce sommet que ne pas régler cette crise migratoire «encouragerait les forces nationalistes et xénophobes à relever la tête pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale».