Le premier ministre français a souhaité vendredi que la justice adapte ses pratiques au phénomène djihadiste à la lumière des derniers attentats, au moment où la droite multiplie les accusations de laxisme contre l'exécutif socialiste.

Le fait que l'assignation à résidence d'Adel Kermiche, l'un des assassins de Jacques Hamel, le prêtre de 85 ans égorgé mardi dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Normandie), ne l'a pas empêché de passer à l'acte est «un échec» de la justice, a estimé Manuel Valls dans un entretien avec le quotidien Le Monde.

«Cela doit conduire les magistrats à avoir une approche différente, dossier par dossier, compte tenu des pratiques de dissimulation très poussées des djihadistes», a estimé Manuel Valls, tout en soulignant son respect pour l'équilibre des pouvoirs et pour «l'état de droit».

L'ancien président Nicolas Sarkozy a accusé l'exécutif d'être paralysé par des «arguties juridiques» dans sa lutte contre le terrorisme. Le parti qu'il préside, Les Républicains (droite), a demandé vendredi au premier ministre «des mesures à la hauteur» et «plus d'actions».

Traumatisés par l'assassinat du vieux prêtre pendant qu'il célébrait la messe, les catholiques de France étaient invités par leur hiérarchie à jeûner vendredi, comme du reste les protestants par leurs fédérations, et les responsables musulmans ont appelé à se rendre dans les églises dimanche en signe de solidarité.

«Vous partagez notre douleur»

À Saint-Etienne-du-Rouvray, des catholiques et des musulmans ont prié ensemble à la mémoire du père Hamel, d'abord dans l'autre église de la ville restée ouverte, puis dans la mosquée toute proche pour la prière du vendredi.

«Vous partagez notre douleur. Cette douleur est aussi la vôtre», «cet événement qui vient d'arriver doit nous aider à renforcer les liens qui existent entre nous», a déclaré le curé de la ville, Auguste Moanda.

L'un des deux assaillants, le Français Adel Kermiche, 19 ans, était fiché par les services de renseignement et avait été incarcéré pendant une dizaine de mois dans l'attente d'être jugé pour avoir tenté à deux reprises l'an dernier de se rendre en Syrie.

Il était sorti de prison en mars, assigné à résidence avec un bracelet électronique; le parquet avait en vain fait appel de sa mise en liberté conditionnelle.

Ces informations ont provoqué un tollé au sein de la droite et de l'extrême droite, où plusieurs voix ont appelé à la démission de M. Valls et du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.

L'autre auteur de l'attaque, Abdel Malik Petitjean, était quant à lui fiché pour radicalisation depuis le 29 juin, après avoir tenté de rejoindre la Syrie via la Turquie.

Lui aussi âgé de 19 ans, il apparaît en outre en train de proférer des menaces contre la France dans une vidéo diffusée par un organe de propagande de l'organisation État islamique (EI), l'agence Amaq, a révélé jeudi le centre américain de surveillance de sites internet djihadistes SITE.

Par ailleurs, un demandeur d'asile syrien a été placé en garde à vue dans le cadre de cette affaire, selon une source proche de l'enquête. Deux autres personnes étaient toujours en garde à vue vendredi, tandis que deux ont été relâchées.

L'union politique contre le danger djihadiste, déjà mise à mal depuis les attentats du 13 novembre à Paris (130 morts et des centaines de blessés) a volé en éclats en France après l'attentat du 14 juillet à Nice (84 morts et 435 blessés), à quelques mois de primaires avant la présidentielle d'avril 2017.

Florian Philippot, l'un des responsables du parti d'extrême-droite Front National, a qualifié les déclarations de Manuel Valls d'«aveu d'échec» et ajouté que «normalement quand on est responsable politique on en tire les conséquences en présentant sa démission». Un proche de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, a également réclamé le départ de Manuel Valls.

Ce dernier a demandé à l'opposition d'«être digne et respectueuse» et accusé l'ancien chef de l'État de «perdre ses nerfs».

Le premier ministre s'est par ailleurs dit favorable à une interdiction du financement étranger des mosquées.

Il a de plus souhaité «inventer une nouvelle relation» avec l'islam de France et que les imams soient formés en France et «pas ailleurs».

À l'issue d'une rencontre cette semaine entre le président François Hollande et les représentants des cultes, le recteur de la grande mosquée de Paris Dalil Boubakeur avait lui-même suggéré «une certaine réforme dans les institutions» de l'islam.

Pour tenter d'endiguer l'idéologie djihadiste, les autorités ont fermé ces derniers mois plusieurs mosquées considérées comme salafistes.