L'enquête sur l'assassinat d'un prêtre dans une église en France a progressé jeudi avec l'identification formelle du deuxième tueur, fiché depuis peu pour radicalisation, alors que l'opposition de droite accentue ses accusations de laxisme contre le gouvernement socialiste.

Sur les lieux du drame, plusieurs milliers de personnes ont rendu en fin de journée un émouvant hommage au père Jacques Hamel, 86 ans, égorgé mardi pendant qu'il célébrait la messe dans son église de Saint-Etienne du Rouvray, dans le nord-ouest du pays.

Selon le parquet de Paris, les enquêteurs ont formellement identifié Abdel Malik Petitjean, 19 ans, comme le deuxième assassin du prêtre.

Ce jeune Français originaire d'Aix-les-Bains, dans les Alpes, n'avait jamais été condamné mais il était fiché depuis le 29 juin pour radicalisation, après avoir tenté de rejoindre la Syrie via la Turquie.

Trois personnes de son entourage familial ont été arrêtées, selon une source proche de l'enquête, de même qu'un autre jeune Français également fiché par les renseignements, qui s'était rendu avec lui en Turquie le 10 juin.

L'enquête avait déjà permis d'établir l'identité du premier tueur du père Hamel: Adel Kermiche, un Français de 19 ans.

Vidéo d'allégeance à l'EI

Issu d'une famille d'origine algérienne sans histoires, mais souffrant de troubles du comportement, Adel Kermiche avait été incarcéré une dizaine de mois dans l'attente d'être jugé pour avoir tenté à deux reprises l'an dernier de se rendre en Syrie.

Il était sorti de prison en mars, assigné à résidence avec un bracelet électronique. Le parquet avait fait appel en vain de sa mise en liberté conditionnelle.

L'organisation État islamique (EI) avait diffusé mercredi soir la vidéo d'une déclaration d'allégeance des deux assassins.

Les images montrent les deux hommes à côté d'une bannière de l'EI. L'un d'eux récite en arabe avec un fort accent le texte traditionnel d'allégeance à l'«émir des croyants» Abou Bakr al-Baghdadi. Dès mardi, l'EI a revendiqué l'attaque de Saint-Etienne-du-Rouvray.

Après un bref moment de cohésion, lors d'une messe mercredi soir à la mémoire du père Hamel en la cathédrale Notre-Dame à Paris, la classe politique s'est à nouveau déchirée jeudi.

L'attaque de mardi constitue un nouveau choc en France, moins de deux semaines après l'attentat de Nice (84 morts) le 14 juillet. Face à la menace terroriste, l'opposition de droite et le pouvoir socialiste s'affrontent sur leur conception de l'État de droit.

Le président François Hollande a annoncé vouloir créer d'ici l'automne une Garde nationale afin d'aider les forces de l'ordre à lutter contre les attaques terroristes.

L'ancien président Nicolas Sarkozy, chef du parti d'opposition Les Républicains, a de nouveau dénoncé le «refus du débat» du gouvernement sur les centres de rétention préventive réclamés par la droite pour les suspects de radicalisation.

Réplique à Donald Trump

«L'arbitraire n'est pas acceptable», a rétorqué le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, récusant toute ««guantanamoïsation»» du droit français.

«La France sera toujours la France, parce que la France ne cède jamais (...) C'est quand on s'abaisse qu'on ne se ressemble plus», a martelé François Hollande, répliquant lui à des critiques de Donald Trump, le candidat républicain à la présidence des États-Unis.

Les appels du pouvoir à la «cohésion» de la société française sont compliqués par l'impopularité de François Hollande et l'approche de l'élection présidentielle de 2017, propice à la surenchère.

L'assassinat du prêtre par des jihadistes est une première dans un lieu de culte catholique en Europe.

Cet attentat a traumatisé les Français bien au-delà des catholiques.

L'instance de représentation de l'islam de France a appelé les responsables et fidèles musulmans à se rendre dimanche à la messe dans les églises du pays pour exprimer «solidarité et compassion».

À Saint-Etienne-du-Rouvray, environ 3500 personnes se sont réunies jeudi soir en hommage au père Hamel, dont les obsèques auront lieu le 2 août. «L'émotion intense en réaction à cet acte ignoble ne se tarira pas, ni ici ni au-delà», a lancé, très ému, le maire communiste de la ville, Hubert Wulfranc.

Abdel Malik Petitjean, récemment entré dans les radars antiterroristes français

(Antoine AGASSE à AIX-LES-BAINS et Grégory DANEL à LYON) - Le second tueur de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, Abdel Malik Petitjean, décrit par ses proches comme un jeune sans histoires, était apparu dans les radars des services antiterroristes français moins d'un mois avant l'assassinat du prêtre Jacques Hamel.

«T'inquiète pas. Tout va bien, fais dodo. Je t'aime». C'est le dernier texto envoyé à sa mère par le Français de 19 ans. Le jeune homme, qui avait le même âge que son complice Adel Kermiche, et comme lui des origines familiales algériennes, est mort à près de 700 kilomètres de son domicile d'Aix-les-Bains (Alpes), abattu par la police.

Il a été formellement identifié jeudi comme étant la deuxième personne impliquée dans l'attaque mardi de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray (nord-ouest) et l'égorgement du prêtre de 86 ans.

Cet assassinat inédit dans un lieu de culte en France a été revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) qui a diffusé mercredi soir une vidéo montrant les deux hommes prêtant allégeance à l'organisation jihadiste.

Abdel Malik Petitjean, qui arbore sur les images une courte barbe, avait empoché un diplôme commercial en 2015 et faisait depuis de l'intérim à l'aéroport de Chambéry (est) ou dans un magasin après avoir enchaîné des stages dans la vente.

Il aimait, selon son curriculum vitae, les films de science-fiction, les jeux vidéo, la musique et la boxe anglaise.

Si Kermiche était radicalisé depuis de longs mois et avait fait de la détention pour avoir tenté d'aller en Syrie en 2015, Petitjean était inconnu de la justice - ce qui a retardé son identification, ses empreintes digitales et son ADN n'étant dans aucun fichier, et son visage ayant été défiguré par les balles de la police.

Mais sa radicalisation avait été récemment signalée: une fiche à son nom a été établie par les services de renseignement le 29 juin pour avoir également tenté de rejoindre la Syrie via la Turquie.

Et Petitjean ressemblait en outre fortement à la photo d'un homme suspecté de préparer un attentat en France, diffusée le 22 juillet - mais sans son identité - aux services français à la suite d'un renseignement venu de l'étranger.

Dans le quartier modeste où il habitait, l'incrédulité prédomine pourtant chez les habitants qui décrivent un jeune parfaitement normal.

Dans son appartement où défilent les journalistes, quelques heures après une perquisition des services antiterroristes, sa mère Yamina Boukezzoula ne voulait pas croire mercredi en la culpabilité de ce fils aux traits encore enfantins.

«Tu me manques grave»

«C'est un bon Français. Il est doux. Je connais mon gamin. Je connais mon fils; il n'est pas impliqué du tout», affirmait-elle, peu avant la confirmation officielle de son implication dans l'assassinat du prêtre.

Né à Saint-Dié-des-Vosges (est) le 14 novembre 1996, Abdel Malik Petitjean a grandi avec ses deux soeurs dans une famille recomposée, d'abord dans l'est de la France avant de déménager à Montluçon (centre) puis à Seynod (Alpes) et enfin à Aix-les-Bains.

Il fréquentait la mosquée près de son quartier, selon le président de l'association qui gère ce lieu de culte, qui l'a reconnu mercredi sur la vidéo diffusée par l'EI dans laquelle Petitjean et Kermiche, barbus, prêtent allégeance en arabe à l'organisation.

«Je l'appréciais beaucoup. On n'a jamais eu de problème avec lui à la mosquée. Pas de remarque étrange, toujours souriant... C'est incroyable! Tous les fidèles sont choqués car ils le connaissaient pour sa gentillesse, son calme. On n'a jamais eu un signe de radicalisation. Qu'est-ce qui s'est passé dans sa tête?», s'interroge Djamel Tazghat, le président de l'association.

«C'est difficile à croire. Il était contre Daech» (acronyme arabe de l'EI), «il n'était pas radical du tout», glisse Hakim, 17 ans, qui se présente comme un ami du jeune homme.

Selon sa mère, Abdel Malik était parti lundi en covoiturage pour, lui avait-il dit, rejoindre un cousin à Nancy (est).

Mercredi après-midi, sa mère s'accrochait encore à ce fils qu'elle croyait connaître, avec un dernier message au téléphone: «Malik, c'est maman, je ne sais pas où t'es. J'ai une mauvaise nouvelle. Rappelle-moi, c'est la police qui est venue. Elle raconte des conneries. J'espère qu'il ne t'est rien arrivé mon fils. Je t'aime, tu me manques grave».